La petite église de Mailholas était trop petite pour accueillir la foule considérable qui s’est déplacée pour accompagner Joseph Carrère en sa dernière demeure. Des parterres de fleurs et de nombreuses plaques commémoratives s’étalaient sur tout le parvis de la chapelle, témoignant que le regretté défunt et sa famille tiennent une place particulière dans le cœur de l’assemblée présente.
Joseph Carrère, qui devait fêter ses 90 ans, a voué sa vie à la Terre. C’était un paysan dans le sens noble du terme. Comme les hommes de sa génération, la valeur travail n’était pas un vain mot et la vie n’a pas toujours été un fleuve tranquille.
Dès l’adolescence, il perdit son père et dû s’occuper de la propriété à Lacaugne, tout en veillant sur ses sœurs. Puis, ce fut l’arrivée d’Odette, épouse dévouée qui le seconda efficacement tout au long de sa vie. Un travail incessant rythmé par le lever et le coucher du soleil. Le couple partit s’installer à la ferme de Mailholas où Gérard, devenu aujourd’hui maire du village, et Anne Marie virent le jour. Travailler et travailler encore comme le chante Bernard Lavilliers pour faire prospérer la ferme, s’occuper des animaux et cultiver ce terrefort qui ne fait pas de cadeau.
Il n’y avait que peu de place pour les loisirs. Joseph Carrère trouva dans le jardinage et l’apiculture des dérivatifs qui le rendaient heureux. Il aimait greffer les arbres fruitiers, s’occuper de sa vigne ou encore ramasser des champignons. Ah ! ce vin nouveau, c’était quelque chose ! Et puis il y avait son amour de la danse et les fêtes de Mailholas. Durant son éloge funèbre, Anne Marie, sa fille, prononça ces quelques mots sur ce sujet : « Tu avais aussi un côté «coquin» lorsque tu faisais du charme à ces dames avec ton élégance et ton amour pour la danse. Que n’aurais-tu pas fait pour danser une valse, un tango, un paso au son de l’accordéon… »
Quand vint le temps de la retraite, Joseph Carrère confia la propriété à son fils Gérard mais il ne resta pas inactif. Il le seconda, travaillant autant qu’avant, sans s’épargner, car l’oisiveté n’a pas de mise pour les hommes de cette trempe. On ne sait que travailler car on n’a fait que cela toute son existence. Joseph Carrère avait ce caractère fort des hommes qui, dès leur plus jeune âge, ont dû se battre pour réussir car la vie ne fait pas de cadeau. Dans le monde paysan, il ne suffit pas de naître, il faut prouver.
Arriva ensuite la maladie qui, insidieusement, le diminua physiquement, chaque jour davantage. Finis les tracteurs, les bêtes, il ne put qu’observer son fils Gérard à la tête de la ferme, bientôt rejoint et remplacé par son petit-fils Laurent. La souffrance s’installa, de plus en plus insupportable, mais Joseph Carrère ne se plaignit jamais et ne baissa jamais les bras. Sans doute appliquait-il avec zèle la maxime de Jacques Chardonne : « On ne devrait jamais se plaindre, il y a toujours pire. » Jusqu’à la fin, il fut soigné avec amour et dévouement par sa belle fille Solange et sa fille Anne-Marie.
Ces dernières années, il aimait suivre l’actualité du moment à travers la télévision et les journaux. Il échangeait avec ses petits enfants Noémie, Laurent, Marion et Pierre. Il eut la joie de voir naître ses arrières petits-enfants Maelys et Anael qui animaient ses après-midis sous le saule pleureur devant la maison.
Joseph Carrère, avec cette force d’âme qui le caractérisait, s’en est allé lorsqu’il l’a décidé. Ne souhaitant plus se battre, estimant le moment venu, il nous a quittés paisiblement, entouré des siens. Il s’en est allé, comme le soulignait le prêtre dans son homélie, vers un lieu où la souffrance n’existe plus et où tout n’est que joie et félicité. Gémissons mais espérons.
Adieu Joseph. On se souviendra de vous avec affection en repensant à ces moments heureux que nous avons partagés. A vous Odette, Gérard et Solange, Anne Marie et Jean Claude et à vous tous famille et amis, nous vous présentons nos plus sincères condoléances.