Depuis des mois, tout doucement et à petits pas, la pression montait. Des plus petits qui rêvent à l’oiseau aux plus grands qui n’ont de cesse de rentrer dans la légende du Papogay, les archers se préparaient en silence. On entre dans la compagnie des arquerots comme on rentre en religion. Il y a ce rituel immuable qui a traversé les siècles et qui nous vient du moyen âge. Rien n’est laissé au hasard et ici tout est symbole. De père en fils, on veut se retrouver le premier dimanche de mai sous le mât où le papogay, avec ses belles couleurs jaune et verte, nargue tous ses archers parfois dissipés répartis en demi cercle 45 mètres plus bas.
Dans chaque famille d’archers on se prépare avec le même cérémonial. Le père fabrique le premier arc pour son fils en espérant secrètement qu’il devienne roi un jour. Pouvoir le porter en triomphe au pied du mât et entendre crier d’une seule voix « Vive le Roi, vive le Roi ». Surement on essayera de cacher ses larmes de joie et d’émotion lorsque l’oiseau aura enfin choisi son maitre. On ne pleure pas quand on est un homme !
Il y aussi ces grands pères attentifs à ce que la tradition perdure et qui racontent les histoires d’autrefois où tout était plus beau surtout lorsqu’on arrange un peu la Vérité. La légende se construit dans la tradition orale et l’on parle des exploits des anciens et de ces années où il s’est passé quelque chose d’extraordinaire. On regarde avec émotion les photos jaunies par le temps et l’on tente de reconnaître les anciens qui se trouvent au pied du mât. Les rivois ont leur héros qui ont été façonnés par le temps. Il y a enfin les mères, discrètes comme toujours, qui portent un regard affectueux même sur des enfants devenus adultes. Elles veillent à l’élégance du costume traditionnel et aident à la décoration de l’arc qui doit être parfait lors du défilé. La fierté de voir ce père ou ce fils qui défilent à travers la ville cité.
Et puis il y a des archers qui ont moins de temps pour rêver. Ne pensais pas qu’ils n’en ont pas envie, au contraire car ils ont la tradition dans la peau. Non ces arquerots là ce sont les organisateurs. Lorsqu’on est spectateur, tout ce cérémonial qui vous transporte et vous fait rêver semble tellement évident que l’on en oublie la complexité extrême. Trouver de nouvelles troupes, coordonner un défilé où des chevaux doivent cohabiter avec des musiques bruyantes, régler le rituel qui s’étale sur 3 jours. Et puis il y a les centaines de costumes à faire réaliser, les essayages. Que dire des chars à entretenir et des ateliers de construction de flèches. Un gros travail dont on peut leur rendre grâce même si la bonne humeur qui règne dans le groupe fait oublier que parfois c’est difficile.
Une année qui restera dans la légende ?
Tout le week end fut un régal même si le temps parfois nous rappelait que le dérèglement climatique n’amène pas systématiquement de la chaleur. La fête foraine nous présentait de nouvelles attractions très appréciées. Le défilé des jeunes, le tir des petits et des moyens s’inscrivaient dans une routine fort agréable. Des fêtes du papogay quoi !
Quand le défilé des grands se mit en route le dimanche 1er mai vers 15 heures, personne ne s’imaginait que quelque chose d’extraordinaire allait arriver. Le soleil était présent et une foule considérable était présente. Les archers avaient fière allure dans les rues de la ville cité et les 300 costumes nous transportaient dans le temps avec délice. Bref que du bonheur qui nous conduisit au pied du mât.
Après le rituel de la déférence due aux trois rois 2015, de la minute de silence pour les archers disparus, de la première flèche tirée par madame la Maire Maryse Vezat et celle du Roi en titre, la salve des flèches commença. Un fort vent faisait bouger l’oiseau qui ne voulait pas rendre les armes comme cela. On sentait bien que cela serait compliqué. Le temps passa rythmé par les coups de sifflet du président Jérôme Fréchou qui ordonnait aux archers de cesser le tir pour ramasser leurs flèches.
Alors que le public montrait quelques signes d’impatience envers les archers qui n’arrivaient pas à accomplir leur devoir, le papogay décida de tomber, contre toute attente, dans l’indifférence générale. En effet lorsque l’oiseau tombe l’archer qui est à l’origine de cette chute pousse un hurlement de joie, tout le monde crie « vive le roi » et on porte en triomphe celui qui vient de rentrer dans la légende.
Mais que se passe-t-il donc ? Pas un cri, pas un bruit, personne n’est porté sur les épaules, personne ne pleure, personne ne s’embrasse. Sont-ils devenus fous ? Il y a quelque chose d’anormal c’est sur ! Des murmures vont bon train. On chuchote ça et là. Les membres du bureau se concertent et se concertent à nouveau. Aucun nom n’est prononcé, l’heure est grave. Il est décidé de faire appel à la vidéo pour enfin savoir qui sera ce nouveau roi. On passe et on repasse le film pour vérifier quelles sont les couleurs reconnaissables de la flèche qui a décanillé le papogay. Après des minutes interminables, le président Jérôme Fréchou désigne le roi 2016. Il s’agit de Nicolas Fauré dont le père fut déjà consacré dans le passé. Nicolas va donc chercher son oiseau au pied du mat, il est porté en triomphe et l’on entend enfin les « vive le Roi » que tout le monde attendait.
Après enquête, il s’avère que Nicolas Fauré n’a pas vu sa flèche faire tomber l’oiseau, certainement ayant détourné son regard trop tôt. C’est donc très honnêtement qu’il n’avait pas crié pour revendiquer le fait d’être roi. Dans les annales on ne se souvenait pas d’un tel cas. Les moyens modernes ont permis de connaître le Roi, on ne sait pas comment les anciens auraient procédé. La Légende nous le dira un jour….
Les honorés 2016 :
Rois des petits : Jérémie Cazenove ; Connétable Sylvain Mascaras, Huissier Nolhn Fourcade.
Roi des moyens : Pierre Adouin (déjà l’année dernière) ; Connétable Benjamin Esteve ; Huissier Alla Lauque.
Roi des grands : Nicolas Fauré ; Connétable Jean Baptiste Pozza, Huissier Joseph Nicolini.