Polémique entre éleveurs et association de suivi de l’ours.
Une vache retrouvée morte et en partie dévorée par un ours est le sujet d’une nouvelle polémique autour du plantigrade. Emilien Bergès, jeune éleveur de Valcabrère, est très en colère car non seulement l’association de suivi ne l’avait pas prévenu mais en plus refuse de l’indemniser.
Si vous faites des randonnées dans les Pyrénées baroussaises pendant la saison d’été, vous avez l’habitude de rencontrer ces vaches qui paissent paisiblement dans la montagne en toute liberté. Cette estive est traditionnelle et permet aux éleveurs de récolter le foin et le regain pendant que les vaches et les brebis profitent des pâturages frais d’altitude. Aujourd’hui un danger menace ces animaux, c’est la présence de l’ours, ce plantigrade omnivore s’attaque parfois aux troupeaux.
Après la mort de l’ourse Melba en 2004, tous les écologistes étaient en émoi, les mêmes écologistes qui sont heureux de la persistance d’un élevage traditionnel dans les Pyrénées, peut-être les mêmes qui voudraient que le restaurant « l’Etable » à St Gaudens fasse cuire du steak de soja dans sa belle cheminée. Toutes ces contradictions sont nature à polémiques entre les défenseurs d’un ou l’autre de ces univers. Mais au-delà des polémiques, on doit parler de la menace qui pèse sur le gagne-pain d’un éleveur dont les choix de société font partie de son histoire mais pas de sa responsabilité. Lui respecte le travail des autres, jusque là il n’a menacé personne, il demande que son travail soit aussi respecté et indemnisé autant que nécessaire.
La suite c’est Émilien qui la raconte :
Tout commence le mardi 30 août en arrivant sur l’estive d’Areing (dans la Barousse 65), site sur lequel le troupeau passe l’été. Nous trouvons les vaches éparpillées et des traces de glissades dans les pentes les plus abruptes hors du sentier. Nous comprenons alors que le troupeau a eu peur et que quelque chose d’anormal s’est passé. Après comptage, nous constatons qu’il manque une vache. Nous entreprenons donc des recherches qui s’étendront durant 14 jours. Bergers, amis, famille… tout le monde cherche la bête. En vain. Le 10 septembre au matin, j’apprends par un autre agriculteur du secteur, que la bête a été retrouvée par l’équipe du suivi de l’ours. Je les contacte sans attendre dans un état de stupéfaction et de vexation, surpris que personne ne m’ai contacté du côté des autorités. J’apprends alors que la vache a été retrouvée depuis le 5 septembre , que l’ours est présent sur les lieux depuis 10 jours et qu’il se régale durant ce temps de la carcasse de la bête en question. J’apprends également qu’une caméra a été posée sur les lieux du carnage et que nous, de notre côté, nous perdions du temps et de l’argent, à chercher pendant des jours. Après quelques mots échangés, on m’informe bien évidemment que le plantigrade a débusquée la carcasse morte et qu’il n’y a pas de preuves qu’il ait directement attaqué la vache. Mais subsiste la probabilité qu’il l’ait poursuivie, apeurée et tuée…car elle se trouve esseulée, éloignée de ses congénères et dans un lieu escarpé dans lequel le troupeau ne réside pas. Bref, encore une tuile. En plus de toutes les difficultés que les agriculteurs rencontrent et dont je fais partie, il nous faut maintenant composer avec la présence de l’ours sur nos estives.
Émilien est très en colère :
Travailler 70 à 80 heures par semaine pour un salaire de misère.
C’est un métier de passion mais attention à ne pas trop tirer sur la corde. Si nous nous payions 5 euros de l’heure travaillée, nous serions millionnaires. Nous sommes tous à cran autant que nos trésoreries sont vides. Que font nos politiques pour l’agriculture? Voulons-nous vraiment des agriculteurs en France? Tous disent oui mais au final la situation n’évolue pas. Fallait-il que nous nous endettions autant? Le problème, c’est que le temps de la fourche et de la paire de bœufs est révolu.
Mon cas n’est pas unique. Attendons la descente des troupeaux, et nous constaterons les réels dégâts causés par l’ours. Il n’attaque peut-être pas les troupeaux de vaches, mais par sa présence, les vaches ont peur, s’affolent et vont au suicide. Et dans ce cas, qui nous indemnise? A ce jour, j’ai tout de même perdu une vache de 2000 euros ainsi que le veau qu’elle portait 500 euros, sans compter les jours de recherches. A cela je rajoute l’achat d’une vache remplaçante.
Si vous voulez des ours dans nos montagnes, assumez-en toutes les dégradations commises qui mettent à mal l’agriculture locale et l’entretien des estives et des paysages pyrénéens. A toutes les personnes qui ont choisi leur camp, n’oubliez pas que tous les jours vos assiettes se remplissent grâce à notre travail; et que si la priorité passe à sauvegarder les ours au dépens des agriculteurs, c’est la vie de nos enfants qui est en danger.
Qu’en pensent les autres éleveurs :
« On flippe », c’est la réponse de Noelle Sost, l’épouse de Denis Sost le Président du groupement pastoral dont fait partie Émilien. Denis Sost est éleveur de brebis et là on sait qu’un ours de 250 kilos s’attaque régulièrement aux brebis. « On attend avec angoisse le retour d’estive pour faire le bilan, mais avec l’ours dans les parages on craint le pire. En 2014 les ours ont tué 135 brebis dans les Pyrénées. Certes nous avons plusieurs chiens mais que peut faire un Border Collie, excellent chien de berger, contre l’ours ? On sait qu’il nous faudrait aussi des Patous mais c’est tout de même un investissement ».
Et maintenant ?
Il ne reste plus qu’à espérer que les techniciens du suivi de l’ours, dont on comprend la parcimonie des fonds publics, comprennent également le désarroi d’un éleveur qui ne touche pas le SMIC pour 80 heures travaillées dans la semaine. Et puis si le chasseur qui a tué l’ourse Cannelle a été condamné à verser 10 000 euros, une vache vaut bien une indemnisation qui permettra seulement de la remplacer pour produire de bons veaux fermiers du Comminges. Pourvu que ces techniciens soient omnivores comme l’ours…