Nous avons rencontré Michel Allenou, Président d’Emmaüs Saint Gaudens, qui, malgré lui, se trouve mêlé à une polémique de laquelle il aurait souhaité rester éloigné car si l’action et la solidarité sont au cœur d’Emmaüs, la polémique ne fait pas partie de sa culture.
Michel Allenou, quelle a été la teneur de votre intervention auprès du ministre ?
Je ne suis intervenu que quelques 3 ou 4 minutes pour exprimer notre déception face à une situation dans laquelle Emmaüs et ses compagnons font les frais de décisions contradictoires et non concertées.
Evidemment nous ne souhaitons pas être impliqués dans les querelles politiques mais il se trouve que la situation nous concerne. Depuis plusieurs années nous avons l’intention de développer un projet qui aura pour conséquence d’aider une population en difficulté dans un quartier, proche du centre ville, où sont regroupés 25% de chômeurs. Ce projet se réalise avec l’achat de l’ancien grand garage Renault pour 800 000 €, nous y finançons des travaux en procurant des emplois, et nous y développerons nos activités. Les effets seront doubles, d’une part lorsqu’une famille vient chez nous acheter un réfrigérateur à seulement 50€ cela leur laisse un reste à vivre plus important, d’autre part avec nos activités nous permettons d’offrir un emploi décent aux compagnons d’Emmaüs.
Le développement d’Emmaüs à Saint Gaudens c’est une bonne nouvelle dont le Maire se félicite. En concertation avec la mairie et la fondation Saint Vincent de Paul, nous étions en pourparlers pour loger 10 de nos compagnons, or au sein de la fondation c’est une association dont le siège est en Bretagne qui gère l’immeuble et qui pour des raisons économiques a préféré mettre son immeuble à disposition de l’état par l’ADOMA, pour y loger 38 réfugiés, sans doute pour un meilleur loyer.
Pour vous l’affaire est donc entendue ?
En effet, malgré le soutien de la mairie et de la fondation Saint Vincent de Paul, le gestionnaire et ADOMA ont eu raison auprès de l’état et nous regrettons qu’il n’y ait pas un vrai ministère dédié à la solidarité et aux réfugiés, c’est le ministre de l’intérieur qui s’en occupe, il tranche sans concertation. Ainsi le gouvernement ne peut mener une véritable politique face au problème des réfugiés, il ne fait en permanence que déplacer les problèmes ou exclure ces gens ici ou là. Nous sommes surpris d’entendre le ministre de la ville nous parler de fraternité dans un contexte d’exclusion et non de véritable accueil.
Qu’allez-vous faire maintenant ?
Il est inscrit dans notre ADN que la solidarité et la fraternité font partie de notre culture. Ainsi, nous allons tout d’abord assumer l’accueil de ces réfugiés, c’est notre vocation, nous en avons déjà 11 sur Saint Gaudens pour lesquels nous sommes intervenus, nous en ferons autant pour les 38 à venir. Pour nous l’accueil est inconditionnel. Ces gens là sont à la rue, ils sont en demande, la solidarité et la fraternité c’est de les aider, pas de faire des discours. Avec la mairie nous trouverons des logements pour nos compagnons. Mais nous regrettons fortement que l’Etat, la ville, la communauté de communes et les autres collectivités ne se soient pas associés au collectif « Unis contre la misère » pour trouver ensemble une solution. Nous aurions pu éviter d’implanter 38 personnes dans la misère dans un quartier déjà plombé par 25% de chômage, c’est ajouter des pauvres aux pauvres, de la misère à la misère, ce qui nous rend tristes car contraire à l’objet de nos efforts.