Comment repenser l’offre des soins en milieu rural pour éviter la désertification.
La maison de santé de Carbonne vient d’ être inaugurée avec le rituel du « couper du ruban » et des discours dont on écoute, plus ou moins, le contenu. L’occasion de se rappeler pour Sophie Cot, Philippe Poinot et les autres fondateurs de ce lieu, du cheminement qu’il a fallu faire pour arriver à ce jour heureux.
Il y a 10 ans, ces praticiens qui ont une certaine idée de la médecine font le constat de la dégradation du système de santé. Prendre conscience, en avance de phase, que le risque de la détérioration de la qualité des soins et le risque d’épuisement et de découragement des professionnels de santé allaient, sans aucun doute, conduire à la désertification médicale.
Alors, plutôt que d’attendre cette mort annoncée, ils se sont remonté les manches et ont porté un vrai projet collectif pour donner du sens à leur engagement sur le territoire. Ils ont enfoncé des portes et assiégé les administrations les plus diverses.
Sophie Cot :
« Nous avons alors décidé de réfléchir à des solutions innovantes et pérennes. Nous voulions promouvoir la qualité des soins et donner aussi l’envie aux jeunes professionnels de rester sur le territoire en leur offrant un outil de travail plus motivant, voire enthousiasmant. Après bien des discussions, de nombreuses réunions, des revirements, des déceptions, mais globalement beaucoup de joie, notre maison de santé est sortie de terre. »
Dans sa gouvernance, dans ses savoirs-faire et savoirs-être, cette maison de santé est atypique. L’équipe est composée de 27 professionnels libéraux : 11 spécialités sont représentées : 2 podologues, 2 sages-femmes, 3 kinésithérapeutes, 2 dermatologues, 1 psychologue, 1 diététicienne, 1 ostéopathe, 1 orthophoniste, 6 infirmières, 7 médecins généralistes, 1 spécialiste du rachis et rééducation pluridisciplinaire. Des ostéos qui travaillent avec des généralistes, du jamais vu…
Le bâtiment, conçu par l’architecte Vincent Espagno, est un écrin qui casse les codes habituels de ce genre d’endroit. Dans un espace chaleureux et convivial, on est surpris par cette ambiance bienveillante. Il n y a pas de salle d’attente ; un patio central et de grands couloirs permettent les rencontres. On se promène, on s’informe, on contemple, on lit, on se détend, on peut jouer ou regarder le jardin intérieur !
Des bâtiments facilitateurs de la qualité des soins
En quoi cela Sophie Cot ?
« Les circulations facilitent les liens entre les professionnels, les rencontres prévues et imprévues, on se croise, on se côtoie, même rapidement mais cela suffit pour parler d’un problème, discuter d’un cas difficile, se concerter sur une décision à prendre, faciliter un rendez-vous un peu urgent, apprendre les uns des autres, se serrer les coudes, bref, d’apprendre à travailler ensemble autour du patient. »
Et le jardin extérieur ?:
« l’indispensable jardin ce sont 700 arbres arbustes et plantes vivaces que nous avons plantées nous même avec l’aide précieuse de l’association « arbre et paysages d’Autan », « l’Atelier Nature et Cité de Soizig », Chris Collot, le « semeur », les pépinières Nicolas… Ce sont ces heures de travail collectif avec familles et amis qui ont permis de construire et de souder l’équipe que nous sommes aujourd’hui. L’architecture au service d’une équipe, Le pari est donc réussi. »
Il est aussi important de dire que la maison et le terrain ont été intégralement financés par les professionnels eux mêmes. Des fonds publics d’aide ont été reçus pour le système informatique commun aux professionnels.
Le réseau de praticiens qui gravitent autour de cette MSP s’étoffe chaque jour davantage. On y trouve des spécialistes de l’anti-douleur, des soins palliatifs, des troubles psychiatriques, du vieillissement, des addictologies, de la maladie d’Alzheimer et la liste n’est pas exhaustive.
A peine inaugurée, d’autres projets sont déjà à l’étude pour continuer à donner du sens à cette nouvelle manière de prodiguer des soins. Une association de patients devrait voir le jour ; des nouveaux praticiens vont s’installer prochainement et des spécialistes viendront faire des vacations. On parle de néphrologue, angiologue, gériatre peut-être même un chirurgien. D’autres bâtiments devraient sortir de terre…
Des praticiens qui ne rejettent pas les médecines douces et qui prennent le patient dans l’intégrité de son être. Assurément une nouvelle voie est ouverte…
Bernard Bros, maire de la commune, prenait la parole pour se féliciter de ce lieu, lui, l’ancien médecin, puis vint le tour de deux patients de la MSP. Ici tout est symbole et ce magnifique moment se termina avec l’école de musique de Carbonne et un buffet où, pour une fois, les médecins ne trouvaient pas à redire sur certains aliments qu’il faut manger avec parcimonie… Décidément !