Il est d’usage de faire des hommages ou des éloges à nos chers disparus. Cette pratique coutumière est, quelque part, fort détestable car il est tellement plus agréable de les adresser directement à celui que l’on aime ou que l’on admire ou à tous ceux qui partagent ces sentiments altruistes. Alors, c’est dans l’esprit transgressif que ces lignes ont été écrites. Elles s’adressent d’abord au Maitre, à tous ceux, nombreux, qui l’apprécient mais aussi aux inconnus qui vont découvrir un être hors du commun dans sa simplicité. Platon dans la République disait : « La simplicité véritable allie la bonté à la beauté. » Il était une fois André Lagarde. Pour le reste, lisons l’auteur-conteur Pierre Ricard qui nous parle de son Maitre. Un jour nous aurons l’honneur de dire : « André Lagarde, nous avons eu la chance de le connaitre »
Aquò plan,
Le onzième festival du conte a éteint ses projecteurs. Nous avons bien entendu parlé de contes, d’histoires… mais nous avons aussi parlé de nos sources d’inspiration, de la transmission orale et écrite, de cette tradition populaire qui nous est chère. Plusieurs conteurs présents ont évoqué leur recherche des contes traditionnels. Ils ont souvent parlé d’une œuvre riche et remarquable et, bien entendu, de son auteur, André Lagarde, l’Andrieu !
Qui ne connait pas André Lagarde à Carbonne et au-delà ? Qui n’a pas croisé André et Renée, son épouse, au marché, lors d’une fête, pour une inauguration, un vernissage ou autre évènement. Ses années consacrées à l’enseignement au collège de Carbonne et ses implications dans de nombreuses institutions en font un personnage incontournable de la vie locale. Un homme dont on peut être fier quand il vous considère comme son ami !
Pour toutes les personnes qui sont sensibles à la culture occitane, à notre culture, à notre langue, à notre histoire, il est une référence, l’homme que l’on a plaisir à rencontrer et à solliciter quand un renseignement ou un détail vous manque.
Mais sait-on précisément tout ce que l’on doit à André Lagarde. Sait-on tout le travail accompli sans relâche, quotidiennement, méthodiquement, pour porter, faire briller la langue et la culture occitane et pour les faire découvrir pour certains, redécouvrir pour d’autres.
André Lagarde a eu très tôt conscience de la valeur de la culture d’Oc. Il n’a jamais cessé de servir cette culture au travers de son enseignement (cours, stages), ses animations (veillées, expositions, fêtes), ses émissions à la radio et à la télévision, sa collaboration à de nombreuses revues, journaux et bien entendu ses nombreux livres.
Né à Bélesta, en Ariège, dans un milieu occitanophone où la tradition était très présente, André Lagarde a été élevé en français comme tous les enfants de sa génération, un français dans lequel se mêlaient des mots occitans, ce qu’on appelle aujourd’hui : francitan. L’amour des contes écoutés en famille faisait toutefois contrepoids au mépris général qui entourait alors ce que l’on nommait « patois ».
En 1940, au moment de l’invasion, le passé de Montségur et l’histoire de la Croisade contre les albigeois, lui furent révélés au hasard d’une lecture. A cette époque, quasiment personne ne connait cette histoire dans le pays. André Lagarde se rend compte du danger qui menace la langue d’Oc. Pour la sauver, il fonde en 1942, dans son village, l’ « académie patoise ». A partir de ce moment, il commence une quête linguistique et ethnographique qui durera toute sa vie.
Dès son premier poste d’instituteur à Argain dans le Volvestre (1947-48), André Lagarde expérimente l’utilisation du parler local à l’école. Cette expérience se poursuivra à Fustignac (1948-55) où, après avoir rallié « l’escolo deras pirenèos », il fait participer ses élèves au concours de gascon en graphie mistralienne. A Noé (1955-62), formé à l’écriture classique grâce au Collège d’Occitanie, il enseigne l’occitan et l’histoire régionale. En 1958, il rejoint, l’IEO et, au sein de la section pédagogique, il apporte son dynamisme pour les stages et contribue à la rédaction des « cahiers pédagogiques » (1959-69)
Professeur au collège de Carbonne (1962-1981), il y enseigne l’espagnol, le français et l’occitan en mariant les trois langues. Il anime aussi un club qui verra la naissance en 1966 d’un « Cercle Occitan » des plus actifs ( expositions, conférences, « castanhadas », fêtes, festival de chansons, diffusion de livres et de disques…). Il en sera le responsable pendant trente ans.
Pendant ce temps, en 1960, il met en place la section IEO de la Haute Garonne qui prépare le colloque sur la bataille de Muret (1963) et publie la revue de culture occitane « Atal » (1966-67)
En 1969, André Lagarde met en place le CREO de Toulouse qu’il dirigera pendant 22 ans. Très vite spécialisée dans l’enseignement, cette association organise des réunions d’informations, des cours publics, des stages régionaux, publie des livres et du matériel pédagogique. Le CREO de Toulouse a réussi à regrouper plus de 300 instituteurs, professeurs et animateurs d’occitan.
De 1968 à 1980, André Lagarde est en charge des émissions occitanes sur les ondes de Toulouse-Pyrénées (ORTF, puis FR3) qui, en se regroupant, deviendront « l’heure occitane ». En même temps, il collabore à de nombreuses revues (Oc, Lo Gai Saber, l’Occitan, lo Revelh d’Oc, Camins d’estiu…). Sous le surnom de Jòrdi Plantaurel, André Lagarde tient une chronique hebdomadaire en òc dans le quotidien « La dépêche du midi » : « Actualitat occitana ». Cette chronique, particulièrement attendue et suivie par un public fidèle, a duré plus de trente ans.
Sans quitter l’IEO, nommé Directeur de « l’Escòla occitana » André Lagarde apporte un souffle nouveau à l’association félibréenne de Toulouse en organisant des colloques (August Forés, Josèp Salvat), et des « fèstas al país » » (1989-95).
Chargé, auprès du Recteur d’Académie de Toulouse de l’expansion des cours de langue et de la formation des maîtres (1976-81), André Lagarde a été membre du Centre Régional des lettres (1981-90) et il est Maître ès jeux, de l’Académie de Jeux Floraux depuis 1982.
Enseignant, pédagogue, écrivain, poète, journaliste, ethnographe, « onomatopiste » lexicographe, homme ouvert à tout et à tous, fidèle aux associations auxquelles il a appartenu en essayant de les unir dans l’action, André Lagarde a toujours travaillé sans relâche à faire rayonner la langue et la culture occitane et à les faire aimer.
Comme le temps a peu d’emprise sur lui et qu’il a encore beaucoup de connaissances à offrir, André Lagarde poursuit inlassablement sa quête. Il continue de publier, d’écrire, de conseiller… il continue de s’enrichir au contact d’autres personnes, d’autres cultures. Toujours à l’écoute de ce monde en pleine évolution, toujours avide d’apprendre, il garde cet esprit d’ouverture caractéristique des érudits jamais rassasiés.
C’est toujours un grand plaisir et une chance immense de rencontrer André Lagarde et Renée avec son regard complice. Cet homme bon, généreux, qui aime partager et transmettre son savoir, prend un plaisir évident à parler de culture en général, de la langue et de la culture occitane en particulier. Et, croyez-moi, c’est un plaisir de l’écouter, un plaisir dont on ne se lasse jamais,
Mercès plan, sènher Andrieu Lagarda, per aqueste boçin de camin plan plasent.
Yannick Foucaud, Pierre Ricard de l’Association « Et cric et crac au bout du conte »