Force est de constater qu’il était arrivé «de je ne sais où» et que pas grand monde n’aurait misé un kopec sur sa personne. Cet homme au destin incroyable et au parcours extraordinaire est passé en 3 ans du statut d’anonyme à celui de Président de la République. Alors que tous les autres y mettent des décennies et rament dans tous les sens, lui s’est confronté avec succès au suffrage universel pour la première fois, réussissant à atteindre directement la magistrature suprême. Jeune, talentueux et pourvu d’un charisme certain, tout semblait devoir lui réussir. Ses premiers déplacements et prises de position ont d’ailleurs conforté cette première impression. Dans la foulée, les français lui ont donné une majorité absolue pour qu’il mène à bien sa politique. Lassé, on avait fait table rase du passé pour renvoyer droite et gauche à leur turpitudes et on avait misé sur du « sang neuf ». Que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau ! aurait dit sans vergogne monsieur Jean de La Fontaine.
Le temps a fait son oeuvre et l’euphorie est vite passée. Place aux couacs en tous genres. Les inexpériences, de ci de là, ont montré que parfois l’expérience peut avoir du bon. Comme quoi, tout est souvent question d’équilibre… Les gens de gauche ont fait le constat amer que c’est bien une politique de droite, menée par un premier ministre de droite secondé par un ministre de l’économie de droite, qui est appliquée. Tiens, on ne nous aurait pas tout dit ?!
Un sondage Cevipof/ »Le Monde » vient de nous ramener à la réalité. Il nous dit que les candidats LREM-MoDem, aux législatives, ont été essentiellement élus pour dégager les anciens élus et en raison de leur étiquette macroniste. Beaucoup moins pour leurs idées ou leur personnalité…
L’éminent éditorialiste Christophe Barbier sur BFMTV, avant le premier tour des élections législatives, a d’ailleurs tenu des propos très durs sur le fait qu’il suffisait de se recommander du macronisme pour… Quelques semaines après l’écrasante victoire de La République en marche et de ses alliés du MoDem qui ont envoyé plus de 350 députés à l’Assemblée nationale, un sondage du Cevipof publié par Le Monde le vendredi 7 juillet confirme que les candidats macronistes n’ont pas vraiment été élus pour leur profil, ni pour leurs idées…Seuls 15% des électeurs qui ont voté pour un candidat macroniste citent ses « propositions ou idées » comme motivation.
L’institut Ipsos-Sopra Steria a interrogé un panel de 16.613 Français sur leurs motivations de vote – ou d’abstention – au premier tour des élections législatives. En premier lieu, 68% de ceux qui ont voté pour un candidat LREM-MoDem citent « le renouvellement politique qu’il représente » et 38% « les partis qui le soutenaient ». A l’inverse, seulement 15% de ces électeurs pro-Macron ont voté pour les « propositions ou idées » du candidat, 13% pour « sa capacité à mener à bien son programme » et 10% pour « sa personnalité » (deux réponses étaient possibles). A noter enfin que 14% de ceux qui ont voté pour un macroniste citent « le rejet des autres candidats ».
Autrement dit, un inconnu étiqueté Macron avait toutes les chances d’être plébiscité, quitte à ne pas tellement insister sur son programme, son profil ou ses compétences. De fait, le « dégagisme » a joué à plein lors de ces législatives : 75% de l’Assemblée nationale a été renouvelée. De très nombreux novices ont débarqué au Palais Bourbon, ce qui n’est pas sans poser certains problèmes…
Une abstention qui traduit un mécontentement ou une lassitude
Autre avertissement pour Emmanuel Macron : si de nombreux français ne sont pas allés voter à ces législatives – qui ont enregistré une abstention record sous la Ve République – ce n’est tellement pas parce qu’ils avaient autre chose à faire mais plutôt par mécontentement ou lassitude. Ainsi, alors qu’un électeur inscrit sur deux a boudé les urnes au premier tour, seuls 37% de ces abstentionnistes déclarent avoir été empêchés de voter pour des raisons personnelles.
En revanche, une majorité d’entre eux ont délibérément choisi de s’abstenir : 17% ne se sentaient représentés par aucun candidat, 14% jugeaient que la victoire du camp Macron était de toute façon écrite, 11% n’ont plus envie de voter à aucune élection, 10% ont voulu envoyer un message de mécontentement à la classe politique, 6% voulaient protester contre le mode de scrutin majoritaire et 5% pensent que seule l’élection présidentielle compte vraiment. Des motifs d’insatisfaction en pagaille qui viennent rappeler à la majorité présidentielle que sa légitimité reste fragile. Et que son triomphe ne s’accompagne pas d’un enthousiasme délirant…
En résumé, seuls moins de 30% des français ont mis en place l’exécutif et le législatif. Le président de la République vient de perdre 10 points dans les sondages et l’assemblée nationale montre un visage d’amateurs en manque de formation. Bref l’euphorie est passée et le monde politique est à nouveau regardé avec une certaine désolation. Une rentrée qui promet avec les Lois qui vont devenir difficiles. Pour l’instant, soyons heureux pour les jeux olympiques…
Bonnes vacances!