On a tant écrit sur les gilets jaunes qu’il est difficile d’en dire plus. Pourtant si on prend le temps de la réflexion, il s’est passé beaucoup de choses.
Il s’agit d’abord d’une forme d’insurrection qui n’aurait pu avoir lieu il y a quelques années seulement. Une forme nouvelle de révolte qui part des fameux réseaux sociaux, seul instrument capable d’agréger ce qui n’est pas agrégeable. A coup de like et de partage, ce sont des centaines de milliers de citoyens qui se sont encouragés à transgresser sur le thème « Ça suffit ».
Selon que l’on s’appelait Pierre, Paul ou Jacques, on a mis ce qu’on voulait dans le « Ça suffit ». Des revendications parfois contradictoires mais qu’importe tout le monde s’est foutu rapidement de la taxe diesel qui n’a eu qu’une vertu : Être l’élément déclenchant de ce qui allait se passer.
Bien entendu tout cela serait resté dans les colonnes de la presse locale sans l’appétit insatiable des chaines d’information en continue. On s’en est donné à cœur joie et on a amplifié un mouvement. On a créé des stars de plateau qui déambulaient de chaines en chaines sans savoir d’ailleurs s’ils ne représentaient pas qu’eux mêmes.
Des casseurs et des rebelles de tous poils se sont affrontés avec les forces de l’ordre dans des débordements constatés de part et d’autre. Paris et les grandes villes de province ont offert un spectacle insurrectionnel qui a heurté la France mais également l’étranger. Des scènes qu’on peut toujours regretter mais qui ont eu, sans nul doute, le fait de faire plier le président Macron et son premier ministre rempli de certitudes.
Et pendant ce temps là, les gilets jaunes étaient sur les ronds points.
Pendant ce temps là, les gilets jaunes historiques restaient sur les ronds points. On a construit des abris de fortune, on s’est aménagé l’espace, on s’est construit un nouveau « chez nous ». La solitude a laissé place à la dynamique de groupe. On a retrouvé un « vivre ensemble » et on a tué un individualisme, défaut majeur de ce monde moderne qui broie tout sur son passage. Qu’ils aillent tous au diable ce président, ce premier ministre, ces députés, ces politiques et ces partis de droite ou de gauche. On n ‘en veut plus nous le peuple souverain. On a mangé ensemble, on partagé nos misères personnelles, on s’est soutenu, on s’est entraidé, on a fraternisé. Et puis maintenant on nous écoute et on est devenu quelqu’un. On est sorti de cet anonymat qui nous désespérait au point de voter aux extrêmes pour certains.
Une fraternité choisie, naturelle et que l’on vit dans l’adversité et dans la lutte. Non, pas celle dont on nous parle avec de grandes théories avec des mots qui ne veulent rien dire. Non pas celle dont on débat dans des lieux connus des seuls fils de la veuve et qu’on applique pas toujours.
Une fraternité dont chacun veut qu’elle perdure.
Cette fraternité qui a su agréger plusieurs générations, des citoyens de droite comme de gauche, des extrêmes avec des modérés, des ouvriers et des patrons, des actifs et des retraités. Cela n’avait plus aucune importance s’apercevant au demeurant que depuis 30 ans, le seul mot d’austérité était opposé au peuple en les persuadant que c’était pour son bien et qu’il n’y avait pas d’autres solutions. On voit le résultat.
Alors on a écouté d’une oreille distraite le président qui n’avait aucune chance de convaincre puisque les enjeux ne sont plus là. Oui il nous a donné des miettes mais ça on s’en fout en fait. Nous ce qu’on veut c’est garder cette part de bonheur que nous avons trouvé avec les gilets jaunes. On veut rester ensemble et ne rien lâcher. Arrêter la lutte c’est rompre cette fraternité. Il n’est pas question de retrouver ma solitude dans mon appartement sordide à compter tous les fins de mois pour arriver à survivre. Je veux continuer à rester sur le rond point avec mes frères d’Arme car là je VIS enfin.
Il sera difficile de trouver des solutions…. Rien ne sera plus comme avant car en cédant devant l’intransigeance et la violence, notre président a ouvert une boite de pandore… qui sera difficile de fermer. Il faudra sans nul doute modifier notre modèle de démocratie apparente pour que le peuple puisse s’exprimer entre 2 élections. Le référendum d’initiative populaire est désormais le seul slogan qui unit tous les gilets jaunes… qui rentreront peut être un jour chez eux. Mais quand?