Histoire de la course automobile à Saint Gaudens

« L’homme passionné aime les voitures et quelle que soit celle qui l’emmène, il n’aborde jamais ce tronçon de route sans que de récurrentes pensées ne l’envahissent irrévocablement. Le rond-point du Parc des expositions est une nouvelle fois absorbé en trois coups de volant, enchainés, adroits. La trajectoire est fine et les roues flirtent avec les bordures. Préserver sa vitesse, enfoncer l’accélérateur. Rrrrraow, ticlic, ticlic, Rrrrraoow ! L’Alfa Romeo s’inscrit dans la dernière ligne droite qui nous ramène sous les tribunes vieillissantes du circuit du Comminges. Accélération, plus de 200 km/h puis la route s’élève en S. Là, avec la vitesse, il est plus difficile de garder le cordeau. Brutalement, machine et pilote s’élèvent. Les pneus crissent…

Dans les tribunes édifiées en béton en 1933 et rehaussées par des gradins empruntés aux clubs hippiques, les 20000 spectateurs se sont levés. L’acclamation est unanime. Alberto Ascari remporte sur sa Ferrari F2 (voir photo) l’édition 1952 du Grand-Prix du Comminges. Avec cet événement reconduit régulièrement depuis 1925, Saint-Gaudens gagne désormais une renommée planétaire, inoubliable. Tous les grands noms du sport automobile international d’avant guerre et jusqu’en 1954 sont venus se distinguer. Louis Chiron, Philippe Etancelin, Jean Pierre Wimille, Maurice Trintignant, René Dreyfus, Charles Pozzi, Alberto Ascari…  Enzo Ferrari et Jean Bugatti prennent l’habitude de descendre à l’hôtel Ferrière, à l’époque juste en face du collège Leclerc…. Eugène Azémar y était professeur de philosophie dans les années vingt. D’abord fondateur en 1922 du syndicat d’initiative à l’origine du Rallye des Stations Thermales et face au succès croissant de celui-ci. M. Azémar comprend vite l’intérêt de retombées économiques pour la ville en créant le Grand-Prix du Comminges. Dès lors, Saint-Gaudens devient un rendez-vous incontournable, sert de support au Grand-Prix de France de formule 1, accueille, emballe, acquiert ses lettres de noblesse, fait référence. Eugène Azémar, passé à la postérité, donnera son nom à un square, près du collège Didier Daurat. Des centaines d’élèves frôlent chaque jour sa statue. Peu savent qui il était.

A-t-on encore aujourd’hui idée de ce que représentait pour Saint-Gaudens une telle manifestation ? Imaginez l’organisation aujourd’hui d’un Grand Prix de formule 1 dans  les rues de la ville. Les plus belles voitures rangées en bataille sur le boulevard Bepmale et exposées au grand public. Ferrari, Red Bull, Mc Laren, Lotus… Un attroupement sur les terrasses derrière la collégiale. Là Hamilton, Alonso, et puis là Vettel, Raikkonen, … Des bruits assourdissants de moteurs que l’on règle, çà et là, dans les garages de la ville, des jolies filles, le gratin de la planète. Quelle ambiance. Et pourquoi pas ? Monaco a su garder le sien. En d’autres temps, entre 1925 et 1954, Saint-Gaudens  a eu cette chance. Les retombées pour la ville étaient conséquentes. On ne mesure plus aujourd’hui ce que ce fut. Les gens ont détourné leur regard. Plus personne ici ne se passionne pour les automobiles. Juste une poignée d’irréductibles.

Sous l’impulsion de Michel Ribet, président de l’EAC (Ecurie Automobile du Comminges) depuis 1975 et de son équipe, grâce au concours des élus, un musée documentaire associatif a ouvert ses portes en 2017 dans un des bâtiments du camping municipal, juste au dessus des célèbres tribunes. L’association est toujours restée active et se bat pour que se perpétue le souvenir. Elle a, en 1985, 1998, 2000 et 2002, organisé la rétrospective du Grand-Prix qui, aujourd’hui sujette aux limitations de vitesse en vigueur et sans dérogation préfectorale possible, c’est bien dommage, a perdu son intérêt. Chaque année, elle organise une édition du rallye des Stations Thermales, sur un parcours historique, qui reprend en grande partie l’itinéraire emprunté lors des premières éditions. Il s’agit bien d’histoire, d’ « Histoire au présent ».

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