ARBAS, commune de la Haute Garonne, possède depuis plus d’un an, un cimetière de nouvelle génération. Une « forêt cinéraire » ! Il s’agit de déposer les cendres des défunts aux pieds des arbres. Il faut savoir que cette forêt est la propriété privée de la Commune d’Arbas, sur la commune voisine de Herran, au-dessus du hameau de « Paloumère ». Si ce cimetière vert est encore inédit en France, il est répandu en Allemagne. Depuis plus de 20 ans, des forêts de ce type ont vu le jour partout dans ce pays.
Nous avons appelé la Mairie d’Arbas et François Arcangeli 1ier adjoint (Conseiller Régional) a répondu à nos questions.
Une idée novatrice et « écoresponsable » ! Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer un tel projet sur votre commune, le bruit court, que Elia Conte Douette* en a été l’instigatrice ?
« Effectivement l’idée revient à Élia Conte Douette* qui s’est rapprochée de la commune d’Arbas… De par notre situation géographique dans le piémont pyrénéen nous pouvions disposer d’une forêt exceptionnelle. La forêt cinéraire est gérée comme un cimetière traditionnel : des concessions sont vendues par la commune aux particuliers, et des opérateurs funéraires accompagnent les familles dans les funérailles. Seule différence, mais d’importance, nous avons établi un cahier des charges autant à destination des familles que des opérateurs qui précise les valeurs de notre démarche et le fonctionnement de la forêt cinéraire.»
Le terrain concerné va-t-il être protégé, clôturé pour éviter toute intrusion de bêtes sauvages ?
« Le principe de base est de ne pas modifier le site, de ne pas l’abîmer et de ne pas porter atteinte à la biodiversité : il n’y a donc aucun équipement, si ce n’est quelques panneaux d’information qui délimitent le site. S’agissant de cendres et d’urnes biodégradables, il n’est pas nécessaire de les protéger comme on le ferait avec des corps. La commune s’est engagée à sanctuariser cette forêt et notamment de n’y faire aucune exploitation forestière. »
Le député Stanislas Guerini a défendu le projet d’inhumation d’urnes funéraires biodégradables, de la commune d’Arbas, et a interrogé le ministre de l’intérieur, qui a répondu défavorablement au projet, au regard de la loi et des règles existantes. Que va-t-il advenir du site si vous n’obtenez pas les autorisations ?
« Le projet répond à une demande sociale forte tout en étant exemplaire d’un point de vue social et environnemental. Objectivement, il ne fait de tort à personne ! La loi, probablement en retard sur son époque, méritera sans aucun doute d’être précisée et n’est pas pour l’instant très explicite sur ce que nous faisons. Preuve en est l’interprétation fluctuante qu’en fait l’État. À ce stade, nous pensons que ses services, qui dans un premier temps n’ont émis aucune réserve et ont laissé ce projet se réaliser devrait faire une interprétation moins rigide des textes de loi. De notre côté, nous avons été accompagnés depuis le début par différents juristes qui tous ont une lecture différente de ce que dit l’État aujourd’hui.
Comme le disait Victor Hugo : «Rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue». Si le bon sens devait ne pas prévaloir et si une lecture moins restrictive de la loi devait ne plus être possible, alors nous ferons changer la loi !!! »
Après la réintroduction de l’Ours dans le Pyrénées, votre commune en n’ayant été le fer de lance, aujourd’hui « la forêt cinéraire, » est-ce un autre combat ?
« Il y a certainement beaucoup de points communs entre les deux sujets. Au-delà de la démarche écologique, probablement nous heurtons nous une nouvelle fois à un État qui a du mal avec ceux qui défendent des valeurs que lui-même dit vouloir promouvoir, ou pour ce qui est de l’ours à honorer les engagements qu’il a lui-même signés… Preuve qu’entre les discours et les actes, il y a souvent comme différence fondamentale la détermination à ne pas en rester aux mots. »
Combien coûte une inhumation dans une forêt cinéraire ?
A Arbas, de 175 euros à 250 euros pour une concession à perpétuité, ceci pour la commune. A cela, il faut ajouter 375 euros de frais ainsi que le prix de l’urne. Le prix diffère en fonction des matériaux utilisés. Pour la forêt d’Arbas vous aurez à faire à Cime’Tree, société créée et gérée par Elia Conte Douette*, l’instigatrice du projet, comme nous le précise plus haut François Arcangéli.
Qu’en pense la Maire de Herran, Nathalie ROUCH?
« Ces concessions vendues par la commune d’Arbas font l’objet d’une prestation funéraire vendue par l’entreprise Cime’tree aux particuliers. Ce concept s’adresse à toutes les personnes qui choisissent la pleine nature comme lieu de sépulture.
- Le conseil municipal n’a jamais porté de jugement de valeur sur ce projet de la commune d’ARBAS. En effet, je tiens à préciser que nous n’apprécierions pas qu’une commune voisine porte un jugement sur les choix portés par notre conseil municipal, aussi nous ne nous permettons pas de juger les délibérations de nos voisins. Sauf qu’en l’espèce, le terrain choisi par la conseillère funéraire est une parcelle appartenant à la commune d’Arbas mais située sur la commune de HERRAN au lieu dit : » Fontaine de l’ours ». Si ce terrain était considéré comme étant un cimetière, alors la responsabilité du Maire de HERRAN serait engagée. C’est en effet le Maire de HERRAN qui a la responsabilité des autorisations d’inhumation et de l’entretien du site et c’est la commune d’Arbas qui perçoit les produits de la vente des concessions.
Nous avons délibéré une seconde fois le 05 avril 2019, pour accepter le projet à condition que celui-ci ait l’accord des services de l’ONF, des services RTM, l’accord des propriétaires des parcelles traversées, et qu’il n’existe aucune autre possibilité sur la commune d’ARBAS.
Après une réunion à la sous-préfecture de Saint Gaudens avec l’ensemble des acteurs, il a été précisé oralement que ce site n’a pas le statut juridique de cimetière. La responsabilité personnelle du Maire de HERRAN n’est donc pas engagée. Ce projet pose questions :
- Le fait que cette forêt cinéraire se trouve sur la commune de HERRAN, alors que d’autres possibilités sur Arbas étaient envisageables.
- Le fait que le choix de l’accès se fasse par un chemin de desserte forestière appartenant à 7 propriétaires privés. Une question éthique qu’il ne m’appartient pas de juger.
Je note simplement que la commune de HERRAN a toujours veillé avec bienveillance à la protection de son environnement. La forêt ici, peut-être plus qu’ailleurs, a une valeur refuge.
C’est la forêt qui a nourri nos villageois au temps des charbonnières, c’est elle qui a été la richesse de chaque famille, qui a été veillée et renouvelée, c’est elle encore qui a caché les habitants lors des événements d’août 1944, c’est elle aujourd’hui qui fait notre fierté et que nous aimons partager. Elle est un environnement naturel apaisant et protégé, je rappelle qu’une grande partie est classée zone de protection du grand tétra. C’est un espace qui appartient aux promeneurs, aux spéléos, aux amoureux des espaces et qui est facile d’accès.
- A titre très personnel je comprends que des personnes veuillent pour repos éternel le bruit du vent dans les branches, l’odeur de la mousse, la beauté d’une nature vivante. Je rappelle simplement que la possibilité de disperser les cendres d’un défunt en pleine nature est en France autorisée et gratuite, il suffit de signaler à la mairie de naissance du défunt le lieu de dispersion qui sera enregistré dans un registre. »
« L’estive de Paloumère a déjà été le lieu de dispersion de cendres d’amoureux de nos montagnes qui avaient aimé s’y promener et s’y ressourcer. » Nathalie Rouch
Les cendres funéraires dans la loi :
…/… Art.L. 2223-18-2.-A la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité : « ― soit conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur d’un cimetière ou d’un site cinéraire visé à l’article L. 2223-40 ;
« ― soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire visé à l’article L. 2223-40 « ― soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques.
« Art.L. 2223-18-3.-En cas de dispersion des cendres en pleine nature, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles en fait la déclaration à la mairie de la commune du lieu de naissance du défunt. L’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres sont inscrits sur un registre créé à cet effet.
« Art.L. 2223-18-4.-Le fait de créer, de posséder, d’utiliser ou de gérer, à titre onéreux ou gratuit, tout lieu collectif, en dehors d’un cimetière public ou d’un lieu de dépôt ou de sépulture autorisé, destiné au dépôt temporaire ou définitif des urnes ou à la dispersion des cendres, en violation du présent code est puni d’une amende de 15 000 € par infraction. Ces dispositions ne sont pas applicables aux sites cinéraires créés avant le 31 juillet 2005. »