Etranglés quand nous étions petits,
Les Stranglers sont de retour à Toulouse. Le 5 décembre prochain, ils envoûteront une fois de plus le Bikini.
Voilà 47 ans, un étudiant en biochimie expatrié de suède embarque en stop du côté de Guilford un fondu en arts martiaux. Ils parlent musique, se lient, s’acoquinent avec un vétéran marchand de glaces et batteur de jazz, racolent par petite annonce un claviériste. Issus d’une société anglaise en crise, les Guilford Stranglers sont nés. Ils sont provoquants, sèment le chaos, sont filés par les bandes de hell’s angels, sont associés par leur énergie au mouvement punk et pourtant en dénotent flagramment. Ce sont de remarquables musiciens, ils savent jouer. Leur premier album sorti en 1976, « Rattus Norvegicus » est un enchainement de tubes, pour certains la meilleure galette de rock de tous les temps. Les trois opus suivants entérinent leur identité : Les Stranglers sont un groupe à part. « No more heroes » 1977, « Black & white »1978, « The Raven » 1979, marquent le décor. Une anthologie. Les ados tombent dans la marmite. Pour ceux qui sont étranglés, quarante ans plus tard, il ne se seront jamais lasser de les écouter quotidiennement.
Un son unique. Les jeux de basse de Jean-Jacques Burnel et de percussions de Jet black s’avèrent des marteaux piqueurs. Leurs rythmes cognent et résonnent dans les cages thoraciques. Les cœurs s’emballent, les corps ne demandent qu’à se mouvoir. Ça bouge. Quelle énergie ! Parallèlement, finesses dans un monde de brutes, la guitare de Hugh Cornwell et les envolées de clavier de Dave Greenfield, (sans doute fan de Ray Manzarek mais l’élève a dépassé le maître) distillent de remarquables mélodies. Le quatuor est plein de ces contrastes.
« Golden Brown », « Always the sun », des tubes planétaires…. En 1990, le groupe est à son apogée. La célébrité monte à la tête du leader Hugh Cornwell. Prise de chou. C’est le divorce, une séparation qui continue des décennies plus tard à frustrer bon nombre de fans. Mais la dissension est consommée. Les deux partis poursuivront chacun de leur côté, l’un et l’autre reproduisant toujours les mêmes incontournables, des chansons passées à la postérité. Les Stranglers se remarient d’abord avec John Ellis et Paul Roberts. Les albums suivants sont moins détonants, juste dans l’esprit pop qui conclue outre-Manche la fin du XXème siècle.
En 2000, pour remplacer un John Ellis devenu trop capricieux, Baz Warne (ex Toy Dolls) s’empare de la télécaster. Mieux, depuis 2006, exit Paul Roberts, il s’accapare aussi le chant. Les Stranglers retrouvent une âme, Jean-Jacques un ami. Le band se relance et continue à courir le monde, à égrener le temps. A partir de 2007, Jet Black montre qu’il a fait le sien. Des ennuis de santé le contraignent à espacer ses activités scéniques. Parrainé par le maître, le jeune Jim McCauley prend sa place sur la majorité des tournées.
En 2020, à 71 ans, le claviériste Dave Greenfield hospitalisé pour des problèmes cardiaques succombe du coronavirus. C’est l’abattement complet. Les Stranglers sont en plein enregistrement de leur 18ème album. Si la première intention de publier « Dark Matters » n’était pas de rendre hommage à l’artiste, elle l’est devenue. Après huit ans sans création, une pépite est tombée dans les bacs.
Et s’il n’en reste qu’un…. Interrogé Jean Jacques Burnel ne dissimule pas sa motivation de retrouver les planches. « Il y a dix-huit mois que nous n’avons pas jouer sur scène, lâche-t-il. Et, pour des raisons sanitaires, nous avons dû annuler plusieurs dates en Belgique, aux Pays-Bas, en Pologne, en Allemagne… Nous reprenons une longue tournée en commençant par la France. Pour le moment, les dates françaises sont maintenues mais cela peut changer. Nous y tenons. Pour beaucoup de musiciens, pouvoir rejouer est très exciting. Nous avons trouvé un remplaçant à Dave. Vraiment, il est son clone, une vraie réincarnation, c’est très surprenant. Il connait et il joue les mêmes notes que Dave à la perfection. Il n’est plus tout jeune, plus âgé que Jim. On a déjà répété avec lui il y a un mois en Angleterre et on doit encore se retrouver prochainement. Jet a toujours des problèmes de santé. Il en a toujours eu. Il est sorti de l’hôpital, il va mieux. C’est Jim qu’il a parrainé qui sera avec nous. Baz va bien. Il doit venir passer quelques jours à la maison avant la reprise. J’habite en France, dans le Var. J’adore la France, ce sont mes racines. Je suis Français et je suis heureux d’y être. J’ai 69 ans, l’âge sexy. Je fais de la moto et du sport tous les jours. Je suis en bonne condition …. »
Partir en tournée pour assurer la promotion du dernier album tout juste Paru, JJ s’en défend, sans se priver de commenter le dernier opus de son groupe. « Je trouve notre dernier album « Dark matters » très surprenant. Il marque notre évolution. Et c’est pour nous une grande réussite commerciale, la plus importante depuis 35 ans. Mondialement, il fait l’unanimité… Jouer au Bikini à Toulouse, une salle avec une des meilleures acoustiques d’Europe. Et puis, le patron est un type très sympa…. »
Un gig pour des has been ? Sûrement pas. Les Stranglers ont traversé toute la vie de bon nombre de leurs premiers fans, aujourd’hui quinqua, sexa, voire septuagénaires. La vie a passé. Mais leur musique a aussi traversé le temps sans prendre une ride et conquis une à une les générations suivantes. Il est fort à parier que le Bikini sera plein à craquer de ces hommes en noir, de 17 à 77 ans, doc Martens et blousons noirs, masqués, prêts à pogoter dans les premiers rangs, comme du temps d’avant….
Brice Rohaut.