Un athlétique jeune homme de 25 ans se présente à la barre du tribunal correctionnel pour demander la restitution de son chien confié à l’association de protection des animaux «Les 4 pattounes». Le tribunal va statuer sur les faits qui ont conduit à sa confiscation, sur la suite qui sera réservée à la demande de son maître et sur le sort qui sera finalement réservé à l’animal. En effet, les motifs sont lourds: «sévices graves ou acte de cruauté envers un animal domestique, apprivoisé ou captif».
Ce samedi 2 octobre 2021, le commissariat a été appelé par des adolescents «très choqués». Ils ont vu le prévenu frapper un chien berger malinois que les policiers découvrent tremblant et apeuré aux pieds du prévenu. Ce dernier leur déclare alors avoir donné «une petite gifle» à l’animal dont il fait «ce qu’il veut parce que c’est son chien».
Des adolescents «très choqués»
Les adolescents ont déclaré l’avoir vu donner plusieurs coups de pied (certains à la tête) à l’animal gémissant, le trainer par la laisse et même le pendre «plusieurs fois» par la laisse. L’animal présente «tous les signes de la peur» selon les policiers qui voient le chien se réfugier dans les jambes de l’un d’eux.
Le prévenu, d’une voix peu assurée: «j’avoue que j’ai tapé mais pas comme le racontent les jeunes, le chien n’en faisait qu’à sa tête, il mangeait ses excréments, ça m’a fait peur». La juge «les adolescents ont exagéré?»; le prévenu «je trouve», il affirme que c’est la première fois qu’il s’est comporté de cette manière. Un ami qui ne veut pas en dire plus pour «ne pas l’enfoncer» a cependant déclaré que ce n’était pas la première fois. A la juge qui lui en fait la remarque, il répond «il faudra lui demander, à lui».
«Comment expliquez-vous que le chien s’est jeté dans les jambes d’un policier?» poursuit la juge; le prévenu: «c’est moi qui ait fait monter gentiment mon chien dans le camion»; la juge: «ce sont donc les policiers qui mentent… ».
Le certificat produit par le vétérinaire consulté fait état de douleurs costales avec suspicion de fêlures, accompagnées de suspicion de fracture du fémur.
Le prévenu: «Je me rends compte que j’abuse un peu»
La procureure qui a visionné la vidéo produite par les adolescents: «je vois clairement que vous faites un arc de cercle avec la laisse et que le chien vole avec»; le prévenu: «je me rends compte que j’abuse un peu. Ce n’était pas mon intention de lui faire mal, je ne savais pas quoi faire, j’étais stressé»; la procureure: «quel est l’âge du chien?»; réponse: «dix mois»; constat de la procureure: «c’est un bébé encore, manger ses excréments, c’est un comportement de chiot».
La procureure: «des faits insupportables»
La procureure interroge: «Entendez-vous que ces faits sont insupportables? qu’est-ce qui pourrait justifier que l’on vous fasse confiance pour vous restituer l’animal?»; le prévenu: «je l’ai acheté pour avoir un animal de compagnie, c’est insupportable d’avoir la maison vide, j’apprécie ce chien». La procureure souligne qu’un chien de race malinoise n’est pas un animal des plus faciles à aborder pour un premier compagnonnage; ce n’est pas une des races les plus calmes. Il faut l’assumer et en aucun cas, «comme pour un être humain», cela «n’autorise à frapper. Ce n’est pas acceptable de se comporter de la sorte avec un être vivant doté de sensibilité selon la loi». «J’entends que le prévenu a perdu patience et s’est comporté de manière inadaptée. Mais le chien en ressort avec des suspicions de fêlures et de fracture». La procureure fait crédit au prévenu d’un «petit peu de sincérité» et ne remet pas en cause «l’affection» qu’il porte à l’animal. Mais «ce chien n’a plus sa place auprès du prévenu». L’animal garde en mémoire les sévices endurés. La procureure demande sa confiscation et son maintien auprès de l’association «Les 4 pattounes». Elle requiert aussi une amende de 800€.
L’avocat décrit un prévenu «attaché à son animal»
L’avocat en appelle à l’esprit de compréhension dans un dossier construit sur un éventail de «perceptions, celles des adolescents, celle du ministère public, celle du prévenu»: «j’ai visionné la vidéo qui est très courte (…). Tout ce que l’on voit dans la vidéo est acceptable». Une affirmation quand même inattendue qui fait écarquiller les yeux de la procureure observant l’avocat. Certes, «le dernier geste est effectué avec une certaine violence», concède-t-il, mais «c’est l’unique geste qui est à l’origine de sa comparution (…). On ne peut faire avec ce seul geste de violence un acte de cruauté au tribunal», avec des «suspicions de fêlure et de fracture» mais sans «aucun élément qui permette de savoir si on reste ou pas au niveau de la suspicion». Le prévenu, «attaché à son animal (…)», qui «décrit avec émotion l’attachement qu’il a pour cet animal», «a d’ors et déjà pris un rendez-vous avec un comportementaliste (…). On ne peut pas demander mieux à un propriétaire de berger malinois. Il a eu un geste inapproprié (…) de façon conjoncturelle» qui ne s’oppose pas au «retour du chien en famille avec les autres animaux (de la compagne du prévenu)». L’avocat demande la restitution de l’animal (dont «il n’est pas certain qu’il ait pu conserver un traumatisme») au prévenu. Pour ne pas obérer l’avenir de ce père de famille d’origine marocaine et de nationalité espagnole, sans problème jusque là et inséré dans la vie sociale (titulaire d’un CDI dans une entreprise de bâtiment), l’avocat demande aussi à ce que l’éventuelle condamnation ne fasse pas l’objet d’une inscription au casier judiciaire jusque-là vierge du prévenu. La procureure fait alors savoir qu’elle ne fait pas opposition à cette demande de la défense.
Verdict: confiscation du chien et interdiction de détenir un animal pendant 5 ans
Le prévenu est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés. Le tribunal prononce la confiscation du chien et l’interdiction pour le prévenu de détenir un animal pendant 5 ans. Condamnation non inscrite au casier judiciaire de l’intéressé. Le chien est confié à l’association «Les 4 pattounes» dont la constitution de partie civile est reconnue recevable: elle obtient 200 euros au titre du préjudice moral. Cette association (destinataire de subventions) avait demandé 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais d’accueil et de soins.