Dans l’auditorium de la médiathèque de Saint Gaudens, ce mardi 8 février, Pierre Bertrand, président de l’association des Amis de Nicolaï Greschny invité par la Société des Études du Comminges, a emmené les spectateurs faire « un petit tour dans le monde de Nicolaï Greschny ».
Nicolaï Greschny, artiste d’origine russe, s’est installé à l’âge de 36 ans dans le Tarn pour déployer, principalement dans le sud de la France, et donc aussi en Comminges, son art de fresquiste et de peintre d’icônes. Inspiré par ses racines originelles, mais inséré dans la réalité des villages d’Occitanie, il y a illustré de nombreuses d’églises.
Un russe errant jusqu’à son installation définitive dans le Tarn
Né à Tallin en 1912 d’une mère d’origine allemande et propriétaire terrienne, d’un père diacre orthodoxe et iconographe, Nicolaï Greschny a dû, très tôt (dès 1923), avec sa famille, fuir les persécutions antireligieuses de la révolution russe, puis celles du régime nazi. Il a ainsi erré d’Allemagne en Autriche, puis de Belgique jusqu’en France où il sera même emprisonné au camp d’Argelès. L’évêque de Perpignan l’a fait libérer, puis celui d’Albi l’a protégé de la Gestapo en le cachant au grand séminaire jusqu’en 1944.
Il a fini par s’installer dans le Tarn en 1948, dans un hameau en ruines où il a acheté une terre agricole. Ainsi, la ferme de La Maurinié à Marsal est devenue son port d’attache. Il y a construit une chapelle, sa « cathédrale », édifiée selon les canons de l’art roman. Il l’a inaugurée en 1957, lors de son mariage avec Marie-Thérèse, et il y repose depuis 1985, année de son décès.
Catholique oriental, proche de l’église catholique romaine
Nicolaï Greschny a poursuivi ses études chez les jésuites qui l’ont protégé et soutenu dans sa fuite des totalitarismes et de la barbarie. Il a suivi une formation théologique très dense. Après la guerre, sollicité par le clergé, il a travaillé et multiplié les fresques dans plus de 80 églises, déployant une œuvre inspirée par l’ancien et le nouveau testament, réalisant de très rares œuvres profanes, comme les fresques de la buvette des thermes à Encausse les Thermes (avec, autre exception, la légende du roquefort représentée dans la mairie du village éponyme de Roquefort, en Aveyron).
Son œuvre est teintée de style byzantin avec l’expression des sentiments des personnages. Leurs visages et leurs vêtements striés de blanc les fait apparaître comme « habités par la foi et éclairés de l’intérieur », selon les mots de Pierre Bertrand.
Thèmes bibliques, iconographie d’inspiration byzantine, traditions locales occitanes
Nicolaï Greschny a ainsi illustré des passages de la bible, la cène, la dormition de la vierge, et beaucoup de déisis, à savoir la représentation du Christ, assis sur un trône, entre la Vierge Marie et Saint Jean-Baptiste (dont les mains tendues intercèdent pour l’humanité). Lorsque s’ajoutent les apôtres, des martyrs ou des saints, on parle alors de « grande déisis ». C’est un thème iconographique particulièrement présent dans l’Église byzantine.
Parallèlement, il a tenu à inscrire son œuvre dans la vie et les traditions locales. Aux cotés du Christ et des apôtres en habits de leur époque, Nicolaï Greschny a représenté, dans leurs vêtements du XXème siècle, les habitants des villages où il a travaillé, avec des personnages comme le curé et le maire, avec parfois son propre auto-portrait au milieu de tous, témoignant sa volonté de s’intégrer et signifiant symboliquement la continuité de l’évangile qui se prolonge jusque dans les temps présents. Les personnes des villages concernés se sont évidemment reconnues et leurs descendants les identifient encore aujourd’hui.
En outre, dans de nombreuses églises les inscriptions sur les fresques sont en occitan ou en gascon avec des termes transcrits phonétiquement. Et enfin des paysages ou des monuments locaux apparaissent souvent dans l’environnement des personnages, qu’ils soient bibliques ou contemporains de l’artiste. La réalité biblique et théologique est intimement liée à la représentation de la vie locale alors en cours au XXème siècle.
Nicolaï Greschny, un russe du Tarn en Comminges au mitan du XXème siècle
Nicolaï Greschny a réalisé de nombreuses fresques en Comminges: celles de la Chapelle Notre-Dame-des-Sept-Douleurs et celles du baptistère de l’église Saint Martin à Miramont, celles de l’église Saint-Pierre du Cuing, celles du baptistère de l’église Notre-Dame à Encausse les Thermes, celles du baptistère de l’église de Saint-Plancard. Et en Barousse, il a réalisé les fresques du baptistère de l’église Saint-Philippe de Mauléon-Barousse, celles du chœur de l’église Saint Michel de Ferrère… Il a ainsi passé plusieurs mois en Comminges au cours des années 1949 et 1950 pour travailler sur ces chantiers. Le mot chantier est approprié puisque Nicolaï Greschny était toujours accompagné d’un maçon qui préparait le mortier frais pour qu’il soit pénétré par les pigments de la peinture déposée par l’artiste.
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De nombreuses églises et baptistères ont ainsi été l’objet de travaux de Nicolaï Greschny, en Comminges, dans le Tarn bien sûr, mais aussi en Aveyron, dans l’Hérault, dans de nombreux endroits en Occitanie, et même au-delà… Il a peint des icônes, réalisé des céramiques… Pour en savoir plus, lire le remarquable ouvrage collectif « Nicolaï GRESCHNY, des fresques aux icônes », avec les superbes photos de Jean-Paul Azam (Éditions Vent Terral). Un ouvrage dont certaines photos présentées par Pierre Bertrand lors de sa conférence à la médiathèque de Saint Gaudens illustrent le présent article.