Tribunal Saint Gaudens : des condamnations et des décisions de Justice en quête de résilience

Palais de Justice Saint Gaudens

Lors de l’audience  du tribunal correctionnel de ce jeudi 10 mars, treize dossiers de délits étaient à l’ordre du jour, concernant quatorze prévenus : délits routiers (en état d’alcoolémie ou sous emprise de stupéfiants selon les cas), recel d’un bien provenant d’un vol, falsification de chèques, détérioration d’un bien appartenant à autrui, violence avec arme, violence sur des mineurs de moins de 15 ans…

Ce sont des problématiques souvent semblables qui sont soumises au jugement du tribunal. Les contextes  dans lesquels les faits se sont déroulés peuvent présenter des similitudes, mais ce ne sont jamais les mêmes. Et les personnalités incriminées sont toujours différentes, c’est sans doute cela qui doit rendre délicat le délibéré des juges visiblement confrontés à la quête de sanctions adaptées, qui aient du sens pour les hommes et les femmes qu’ils reconnaissent coupables.

Un prévenu poursuivi pour conduite en état d’alcoolémie

Ainsi, cet homme encore jeune qui est devant le tribunal pour répondre de conduite de véhicule sous l’emprise d’un état alcoolique, retrouvé endormi dans sa voiture au bord de la route. Il a reconnu les faits. Souffrant de bipolarité, il est suivi depuis dix ans pour des problèmes d’alcool qui l’ont déjà envoyé à 2 reprises devant un juge, en 2013 et 2019, tout au long d’un « parcours semé d’embûches » selon les mots de son avocat (le prévenu a aussi été condamné à deux autres reprises pour outrages, et pour violence sur conjoint).

Un garçon alcoolique « sur un chemin vertueux »

A la juge qui lui demande quelle serait selon lui la condamnation la plus appropriée dans sa situation, il répond : « Avoir fait 7 mois d’incarcération m’a secoué et j’ai maintenant envie d’aller de l’avant ; j’ai 35 ans, j’aimerais faire quelque chose de ma vie. Pour la peine, je ne sais pas… la prison ferme ne servira à rien, le suivi au niveau psychologique est inexistant à la prison de Seysses. J’ai commencé une thérapie pour mon comportement violent quand je bois de l’alcool, j’ai rencontré quelqu’un et j’ai la chance d’avoir mes deux parents». L’avocat insiste : « ce garçon est sur un chemin vertueux, il suit des soins,  il travaille, il a une famille qui l’entoure. A 35 ans, c’est le début de la vie d’un homme ».

Condamnation à de la prison avec sursis en guise d’avertissement

Le tribunal a condamné le prévenu à 4 mois de prison assorti d’un sursis probatoire renforcé pendant 3 ans avec une obligation de soins pour surmonter l’addiction à l’alcool. La juge a pris le temps d’expliquer la raison d’être de la condamnation : « l’alcoolisme est une maladie dont vous n’êtes pas encore sorti ; vous  êtes en chemin, on ne peut pas vous faire confiance mais on peut vous encourager sur la voie que vous avez commencé à emprunter ; c’est la raison d’être du sursis probatoire en vue d’un suivi plus assidu. Je vous encourage, parce qu’il faut beaucoup de courage pour surmonter tout cela ».

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Des parents dans la répétition traumatique d’événements violents vécus dans leur enfance

Et aussi ce couple au casier judiciaire vierge poursuivi pour des violences sur leurs enfants de 12 ans et moins auxquels ils ont fait subir quotidiennement maltraitance (gifles, coups, bleus sur les bras et les jambes, doigts cassés…) et humiliations (« tu ne sers à rien », « tu ne vaux rien »). Avec de nombreux témoignages recueillis dont ceux des instituteurs qui ont accueilli les enfants à l’école avec des vêtements en mauvais état et sales. La perquisition effectuée au domicile a confirmé beaucoup de négligence dans la tenue de la maison… Le père de surcroît se révèle dépendant à l’alcool.

Le père : « je regrette », la mère : « je regrette »

Tous deux reconnaissent les faits : « je regrette » dit la mère. La juge : « Comment peut-on en arriver à de telles brimades, à ces insultes, à donner des coups sur les bras, sur les jambes, sur la tête, à presque jeter le petit sur le canapé ? » ; le prévenu: « ce sont des choses que je regrette, j’ai eu une éducation dans le respect, le grand est un enfant qui n’aime pas l’autorité, j’ai été dépassé » ; il répète : « j’ai été dépassé ». La juge au prévenu: « avez-vous subi des violences pendant votre enfance ? » ; le prévenu : « ce sont des choses sur lesquelles je ne veux pas revenir ».

L’Aide sociale à l’enfance demande le placement des enfants qui vivent toujours avec leurs parents.

La juge : « vous en avez parlé avec vos enfants ? » ; le père : « ils vivent mal les violences subies » ; la mère : « ils savent que l’on passe au tribunal aujourd’hui, ils le vivent très mal ». La juge : « comment réagissez-vous aujourd’hui ? » ; lui : « avec beaucoup plus de psychologie, s’ils font une crise on leur demande d’aller se calmer dans la chambre et quand  ils reviennent on discute ». Le plus grand n’arrive pas à discuter avec sa mère. Les enfants font l’objet d’un suivi psychologique.

Le sentiment d’être rejeté par ses enfants

L’expert psychiatre a identifié chez le père une «une structure psychique de base insuffisamment solide (…), la répétition traumatique d’événements violents vécus dans l’enfance (…), une véritable difficulté à gérer sa vie émotionnelle (…), des failles narcissiques (…), une hypersensibilité générant un fort sentiment de dévalorisation (…), un sentiment de culpabilité autocentré lié à sa propre image (…), la crainte de perdre l’amour de ses enfants (…), le sentiment d’être rejeté quand il se sent dépassé (…), la nécessité de soins psychologiques et psychiatriques » . Les rapports du psychiatre, celui concernant le père et celui concernant la mère, excipent  de fragilités pour les deux personnalités et n’écarte pas la possibilité de réitération des faits.  La prévenue précise que tous deux font l’objet d’un suivi.

Prison avec sursis, stage parental et obligation de soins

Le couple est conjointement condamné à 12 mois de prison totalement assortis d’un sursis probatoire de 24 mois, avec obligation de suivre un stage parental, obligation de soins pour éradiquer la violence, obligation de travail, et 1500,00€ à payer par enfants. La juge précise : « en cas de non respect des obligations, les 12 mois d’emprisonnement devront être effectués. Les faits sont d’une extrême gravité, avec une fragilité (des prévenus) qui paraît inquiétante. Il y a encore beaucoup à faire. Je vous encourage à continuer le travail déjà entrepris et à ne pas hésiter à demander de l’aide ».

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Dans les deux cas le tribunal a choisi la peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire en guise d’épée de Damoclès, un avertissement sous forme de sanction préventive susceptible de devoir être effectivement exécutée en cas de non respect des diverses obligations énoncées dans le jugement. Un avertissement et aussi une main tendue, rédemptrice, pour redonner corps à une humanité déliquescente qui a néanmoins déjà fourni, dans les deux cas, des gages récents de bonne volonté. Avec des mots d’encouragement de la juge, des paroles fermes de soutien bienveillant délivrées en audience, des phrases fortifiantes pour des âmes égarées qui avaient sans doute besoin de les entendre aussi.

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