Lors de l’audience du tribunal correctionnel de ce jeudi 17 mars, huit dossiers étaient à l’ordre du jour, concernant onze prévenus : vol au distributeur automatique de billets, intimidation et menaces de mort dans une querelle de voisinage, harcèlement et violence envers un conjoint, détention de tabac importé en contrebande, aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière, harcèlement sexuel en ligne, agression sexuelle…
Un agresseur sexuel «au sens moral déficitaire»
L’agression sexuelle a été commise par un sexagénaire dont le casier judiciaire faisait déjà état de dix condamnations pour divers vols, les cinq dernières condamnations ayant été assorties de peines de prison. Un individu qui a aussi été mis plusieurs fois à la porte du domicile par sa compagne et qui a pris ses quartiers dans un refuge de l’action sociale.
Un personnage à «l’intelligence déficiente» selon l’expert psychiatre et au «sens moral déficitaire», «son geste (étant) en relation avec une carence éducative» ; il est néanmoins «accessible à une sanction pénale». L’expert psychiatre n’exclut pas d’éventuelles récidives.
Une victime au profil psychologique sensible
La victime est une femme qui souffre d’hypersensibilité sensorielle avec un profil autistique.
Lors des faits, elle était en maillot de bain, à proximité d’un lac, mais «assez loin», discrètement allongée dans l’herbe, derrière une haie.
Le prévenu s’est inopportunément adressé à elle, de façon dérangeante, «il fait beau, vous allez bronzer», avant de s’éloigner. Puis il est revenu quelques minutes plus tard pour infliger une claque, selon lui, sur la fesse de la victime, un geste accompagné d’un commentaire tout aussi déplacé «maintenant ça va bronzer!».
Un comportement et des propos sidérants de la part de l’agresseur
L’individu interpellé par les policiers leur a déclaré avoir «pincé une femme en haut de la fesse». Au tribunal, il maintient : «je me promenais. J’ai vu la dame couchée. Je me suis arrêté. Je lui ai pincé la cuisse, elle s’est retournée en colère».
Dans une lettre adressée au tribunal, la victime écrit avoir subi une fessée, accompagnée de propos sidérants du prévenu parlant de «croupe appétissante d’une bonne génisse à viande».
La présidente au prévenu : «on vous l’a déjà fait, à vous, cela ?» ; elle mime un geste de pincement avec les doigts ; «qu’est- ce que vous avez voulu faire?» ; il répond : «je ne sais pas». La présidente insiste : «(la victime) dit que vous êtes revenu. Pourquoi avez-vous fait cela?» ; «ce n’est pas mon habitude, je ne sais pas». «Comment trouvez-vous votre geste?» poursuit la présidente ; il répète «je ne sais pas» et concède «c’est un geste qui ne doit pas se faire», sans que l’on sache s’il exprime vraiment une conviction ou s’il s’agit de propos de circonstance.
«Vous avez une fille, continue la présidente, cela vous ferait quoi, en tant que père, si un homme venait à lui faire la même chose alors qu’elle est en maillot de bain?» ; «c’est inacceptable, c’est un geste qui ne doit pas se faire». Mais pour autant, il n’exprime aucun regret…
La victime: «il continue dans la salissure, il me fait passer pour une affabulatrice»
Invitée à s’exprimer, la victime déclare : «il continue dans la souillure, la salissure. Il me fait passer pour une affabulatrice. Je maintiens la fessée. S’il avait une vraie empathie, il reconnaitrait la véracité des faits. Je me sens encore plus salie dans ma position de victime parce qu’en plus je serais une menteuse. C’est difficile car j’ai l’occasion de rencontrer (le prévenu) très régulièrement dans mon quartier. Je suis obligée de raser les murs pour l’éviter. Je fais des cauchemars».
La juge assesseure intervient: «je sens une grande souffrance en vous ; pour tenter de réparer quelle serait selon vous la sanction la plus adaptée?» ; «je souhaiterais une reconnaissance de handicap, avec un suivi psychologique adapté à mon profil, et je souhaiterais que (le prévenu) participe aux frais. J’aimerais que nous, les femmes, puissions jouir de l’espace public en sécurité».
L’avocat demande une expertise médicale pour mesurer le retentissement des faits sur la victime
L’avocat qui avait demandé devant le tribunal de police la requalification des faits en délit d’agression sexuelle souligne le «geste impudique à connotation sexuelle, à l’encontre (de la victime en quête) d’intimité, à l’écart, derrière une haie», une agression sexuelle de la part d’un individu «qui fait un premier passage et revient délibérément pour accomplir son geste».
«Ce qui m’inquiète, dit-il, c’est le retentissement de ce geste» sur la victime qui souffre de «phobie sociale et du syndrome d’Asperger» : il demande la réalisation d’une expertise médicale. Il demande aussi que le prévenu soit condamné à payer «1000 € à titre de préjudice corporel».
La procureure reconnaît la qualité d’agression sexuelle aux faits incriminés
La procureure reconnaît le caractère d’agression sexuelle aux faits commis par le prévenu à l’encontre de la plaignante. Elle reconnaît aussi parfaitement légitime son souhait de pouvoir vivre dans l’espace public en toute sécurité : «peu importe comment (le prévenu) va qualifier son geste, la connotation sexuelle est évidente (…), et il va falloir tenir compte du retentissement sur la victime».
Quant au prévenu, «on doit adapter la peine à sa personnalité». La procureure demande une peine de huit mois d’emprisonnement totalement assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, l’obligation de se soigner, l’obligation d’indemniser la victime et l’interdiction de prendre contact avec elle.
A la présidente qui lui demande s’il a bien compris que la procureure a demandé à ce qu’il soit condamné pour agression sexuelle, il répond «de toute façon, je n’ai pas le choix». Il n’a jamais exprimé le moindre regret durant toute la durée de l’audience…
Prison avec sursis probatoire et inscription au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles (Fijais)
Après en avoir délibéré, le tribunal donne suite à la requête de l’avocat et ordonne une expertise médicale. Il condamne le prévenu à payer 500 euros au titre du préjudice corporel (les intérêts civils seront débattus au mois de septembre).
Le tribunal a aussi donné suite aux peines requises par la procureure : huit mois d’emprisonnement totalement assortis d’un sursis probatoire durant 2 années, avec une obligation de soins, avec l’obligation d’indemniser la victime et l’interdiction de prendre contact avec elle.
Le tribunal a ajouté l’inscription du condamné au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles.
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La victime a-t-elle été soulagée avec la pleine reconnaissance par la Justice du caractère sexuel de l’agression subie ? Dans quelle mesure la peine infligée au condamné peut-elle contribuer à atténuer les affres d’une agression perpétrée sur une personne au profil autistique, pour lequel «il est estimé (selon le corps médical) qu’il y a peu de chance d’amélioration»?
La procureure l’a pris en compte dans son réquisitoire : «j’entends, a-t-elle dit, la détresse pour ce qui est une agression sexuelle commise en l’absence de toute considération pour la victime et pour son parcours, par un auteur qui a agi dans l’instant».
Le retentissement du traumatisme subi restant à appréhender, les experts médicaux vont essayer d’en évaluer l’ampleur pour tenter d’y porter remède et éclairer la Justice dans sa quête de réparation. L’audience portant sur les intérêts civils (fixation et versement des dommages et intérêts) a été fixée par le tribunal correctionnel au mercredi 28 septembre 2022.