Il pose son étrange échafaudage de bois au milieu du marché de plein vent de Boulogne-sur-Gesse, le mercredi matin. Lukasz, 35 ans, Polonais globe-trotter, a parcouru l’Europe et s’est posé un peu partout, en Roumanie, en Hongrie, en France, en Corse, … Au détour de ses voyages, il a élu domicile l’an dernier, avec sa femme Esther et son enfant Tilo, dans les coteaux boulonnais où il exerce son métier, tourneur sur bois.
Un savoir-faire millénaire
Mais Lukasz n’est pas un tourneur sur bois comme les autres, non. Il a choisi d’utiliser une méthode ancestrale venue des temps anciens, le tour à perche. Selon un principe vieux de 2 ou 3 000 ans, il l’a construit lui-même avec des planches de bois, des branches et des rondins, une perche, une pédale, de la corde. Il fonctionne sans autre énergie que celle de sa jambe, qui actionne un mécanisme ultra simple mais fort ingénieux.
Depuis l’Antiquité, le Moyen-âge et même jusqu’au milieu du XXème siècle, les artisans du bois utilisaient le tour à perche. Il fut rapidement remplacé par des machines à moteur, le mouvement continu remplaçant avantageusement le mouvement en va-et-vient.
Lukasz a appris la technique auprès d’un « maestro » Hongrois, à l’âge de 15 ans. « Il était heureux de transmettre son savoir, précise Lukasz dans un français impeccable relevé d’un délicieux accent, car aucun autre jeune ne voulait faire ça. Il n’y a presque plus de tourneurs à perche. Parfois je rencontre des personnes âgées qui me disent que leur arrière-grand père travaillait ainsi. Autrefois, il fallait être autonome et pouvoir se débrouiller, fabriquer des objets sur place. Le tour à perche permet cela, sans électricité. » Et cette caractéristique permet à Lukasz d’exercer son métier partout et tout le temps, au gré des destinations, vivant en famille sous la yourte, dans un van aménagé, dans des cabanes, partout où ils ont envie de s’arrêter.
Des objets uniques
Le tourneur a aussi fabriqué ses outils, crochets affûtés, tiges d’acier fichées dans de minces rondins. De ses mains habiles sortent des bols de toutes formes, de larges coupelles, des plats, des assiettes, des gobelets, des cuillères… Et même des boîtes scandinaves avec couvercles, dont la technique de réalisation est quasiment oubliée maintenant. Leur fabrication était réservée à des artisans spécialisés. De nos jours, impossible de les faire ainsi au tour électrique. Les essences d’arbres utilisées sont diverses, frênes, être, merisier, érable, … « Pour fabriquer un bol, il me faut plusieurs heures. Je travaille à l’œil, ma main me guide pour les épaisseurs, la symétrie, les courbes. Ensuite j’enduis d’huile végétale. Pour les couleurs, ce sont des pigments naturels, mélangés à de la chaux, de la caséine. Ça donne des tons chauds, et ça protège l’objet. » Avec un extraordinaire doigté et un savoir-faire sans pareil, Lukasz crée des ustensiles à la fois utiles et beaux, en véritable artiste.
Lukasz organise des stages d’apprentissage sur tour à perche, le 7 mai et le 22 mai. Il vous apprendra la technique en une journée et vous repartirez avec votre propre bol. Inscription au 07 52 06 77 19 ou
Mais comme les oiseaux de passage, Lukasz et sa famille s’envoleront bientôt vers d’autres cieux, emportant dans leurs bagages le merveilleux tour à perche, pour continuer à faire vivre une tradition venue des origines de l’humanité.
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