Décidément le palais Bourbon et les codes qui le régissent ne sont plus du tout ce qu’ils ont été. Ce sanctuaire de la démocratie fonctionne désormais avec des règlements et un fonctionnement d’un autre temps et par opposition avec de nouvelles dispositions, qui sous un prétexte de transparence et de démocratie, en font un lieu de théâtre où se déroulent des comédies ou tragédies souvent mal écrites et dans tous les cas surjouées.
Depuis de nombreuses années, la télévision avait déjà fait son entrée à l’occasion des questions au gouvernement. On s’est de suite aperçu du changement qui s’opérait dès lors que les caméras étaient allumées. Alors que quelques heures avant on festoyait ensemble au restaurant très coté du Palais Bourbon, de retour sur les bancs de l’école on s’invectivait, on grognait, on se mettait en scène pour montrer à la nation qu’il y avait bien une majorité et une opposition. Certains même s’amusaient à mettre des contrepèteries dans leurs questions et les spécialistes se régalaient ! Les coups de maillet des président(e)s de séance ne rajoutant que de la cacophonie pour tenter de rétablir l’ordre. Et puis dans ces moments-là il y avait beaucoup de monde dans l’hémicycle ! Ah le pouvoir de la télé !
On s’était habitué à cela comme à tout le reste d’ailleurs mais au fond de chacun de nous, cette notion essentielle de représentativité démocratique en prenait un coup, petit à petit mais inexorablement. Quelle image !
Et puis on a franchi un nouveau cap avec l’arrivée des réseaux sociaux à l’intérieur même du palais bourbon et dans le sacro-saint hémicycle pourtant lieu sacré au sens laïque du terme. A la pièce de théâtre qui ne suffisait pas on a rajouté des déguisements, des artifices de toute sorte et les meilleurs comédiens, pardon orateurs, s’en sont donnés à coeur joie. Une commedia dell’arte telle qu’apparue au XVIe siècle et qui tient ses racines des fêtes du rire qui sont à l’origine de grands carnavals.
Lorsqu’on y regarde de plus près en oubliant ceux qui dorment bien sûr, on remarque que presque tous nos députés se servent allégrement de leurs téléphones portables, visiblement autorisés, pendant les séances. On écoute même plus ce que peut dire l’autre et on tapote allégrement sur son clavier. À qui, à quoi ? Peut être ne vaut-il mieux pas le savoir ! Et puis surtout on se filme et souvent après quelques petits montages très bien faits par ailleurs on diffuse sur les réseaux sociaux. On se met en scène, on cultive son ego pour faire voir sa détermination, son opposition, sa détermination ou parfois justifier l’injustifiable. Les fans et groupies déjà convaincus sont ravis et likent à tous bras, les autres sont au mieux indifférents, au pire écœurés en s’arc-boutant encore davantage dans leurs certitudes et en continuant à creuser le fossé déjà si profond entre la représentativité pourtant indispensable et le peuple.
Bien sûr tout ceci fait boule de neige. Au départ une minorité pratiquait cet usage discutable mais pour ne pas laisser le champ aux adversaires, on s’y est mis de bon cœur. Twitter, face book sont saturés ! Cette manière de faire exclut bien entendu la presse puisque cela ressemble plus à de la propagande (*) directe qu’à de l’information. Nécessité démocratique ou danger démocratique, l’avenir nous le dira. Des choses sont en train de changer en profondeur dans nos pratiques démocratiques. Cela ramènera-t-il les citoyens aux urnes ou augmentera-t-il encore plus le taux d’abstention ?
Les débats dans l’hémicycle se font désormais à travers les réseaux sociaux. Usage de son temps ou dérive ? Allez je retourne à la plage . Bel été à vous tous
(*) Tout ce qui est fait pour répandre une opinion. Ensemble d’actions et stratégies destinées à influencer ou embrigader la pensée et les actes d’une population.