Tempête sous les panneaux solaires
Ambiance électrique à Larroque vendredi soir 12 mai pour la réunion publique organisé par la société franco-allemande WPD, développeur d’énergies renouvelables, sur la très controversée centrale agrivoltaïque prévue prochainement sur la commune. L’implantation au sol de panneaux solaires sur une emprise morcelée de 19 hectares provoque en effet des réactions de rejet d’une grande partie de la population. Scindée en plusieurs sites, l’emprise comprend des terres dont une partie appartient à des agriculteurs et éleveurs, et une autre partie à la commune.
En première ligne et face au feu roulant des questions d’une audience majoritairement hostile, trois représentantes de WPD : Sabine Falgade, directrice du développement photovoltaïque, Sandrine Lanxade en charge des questions d’impacts environnementaux, et Sophie Tiran responsable régionale Sud-Ouest.
Face à elles, des riverains, des membres d’un collectif de défense nouvellement formé, des citoyens, tous venus pour s’informer et s’exprimer. Parmi eux, les élus du conseil municipal, les propriétaires agricoles et éleveurs, parties prenantes du projet.
Le contexte
La centrale agrivoltaïque de Larroque est dans les cartons depuis 2019, le projet avance, la demande permis de construire a été déposé le 20 mars 2023. Il entre dans le cadre des objectifs nationaux et régionaux en matière de transition énergétique, avec le soutien du PETR Comminges Pyrénées et la Communauté de communes Cœur et Coteaux du Comminges. Avec à l’horizon 2050, une production de 666 kwh/an, dont 215 produits en photovoltaïque.
Pour voir le jour, le projet doit combiner la production électrique avec un intérêt agricole : ici un contrat avec un éleveur faire pâturer son troupeau d’ovins sur les 13,6 hectares de parcelles clôturées, dont 5,3 sous panneaux photovoltaïques.
Dans la présentation du projet, il est fait état des critères de sélection des terres, rendement faible, non irrigables, en coteaux, morcelées, suffisantes pour installer un troupeau de moutons. Les contrôles écologiques ont épargné des zones humides et un secteur où vit un papillon protégé.
Enfin une prévision de 38 000€ par an de rentrées fiscales tomberaient dans l’escarcelle des collectivités locales.
Les points de discorde
Même si tous s’accordent à reconnaître nécessaire la transition énergétique, ce projet-là est loin de faire l’unanimité, pour plusieurs raisons énoncées par les opposants.
- La population n’a pas été consultée, déplorent les habitants. Ils s’étonnent que depuis 2019 ils n’aient été informés que depuis quelques mois à peine. La municipalité rétorque qu’une délibération a été prise concernant la parcelle APV (éligible au photovoltaïque) il n’y a pas d’obligation de communiquer tant que le permis n’est pas déposé et que l’enquête publique n’est pas déclenchée. D’autant plus que ce n’est pas un projet municipal mais privé.
- Diverses interventions font état de la dévalorisation du patrimoine naturel et environnemental local, de l’impact visuel et écologique sur le long terme. Le paysage dénaturé par une « mer de panneaux » déprécierait la valeur de l’habitat. Peu convaincus par les affirmations des responsables WPD sur la baisse minime de la valeur de l’habitat, un intervenant s’insurge « Qui achètera une maison dont les fenêtres s’ouvrent sur une mer de panneaux ? » Dans un endroit de l’emprise, des arbres seront abattus pour installer des panneaux. « Dire que le projet est vertueux en matière environnementale et raser une partie de la forêt est un non-sens, assène un citoyen. »
- Quant au détournement de terres agricoles cultivables évoqué dans les échanges, des secteurs plus appropriés et moins près des habitations seraient selon les intervenants envisageables.
Le collectif constitué pour lutter contre le projet propose une pétition qui a déjà recueilli plus de 200 signatures. http://raivoltalarroque.fr/signez-la-petition
A noter, Larroque fait partie du milieu karstique dans lequel s’inscrivent des découvertes patrimoniales uniques, dont la Villa de Montmaurin, les restes humains et animaliers préhistoriques et autres merveilles reconnues par les scientifiques du monde entier. Or il existe dans ce secteur des vestiges antiques, dévoilés par les archéologues Fouet et Labrousse en 1957, la villa d’Es Cabiros. Selon certains spécialistes, ce pourrait être un frein légal à la poursuite du projet photovoltaïque.
D’une part la vigoureuse opposition manifestée pendant la réunion et d’autre part les échanges musclés entre les protagonistes pour ou contre le projet, firent dire à la directrice de WPD qu’elle n’avait jamais vu en vingt ans de carrière une telle réaction. La guerre photovoltaïque serait-elle déclarée à Larroque ? L’affaire trouvera sans doute son dénouement à l’issue de l’enquête publique fin de l’année 2023. De ses résultats dépendra la réalisation ou non de ce projet malheureusement clivant.