Baisse des aides de la PAC, l’agriculture bio prend un coup bas mais garde le cap

Laurent Miro, producteur de viande bovine en bio, commente le dernier coup porté à l'agriculture bio, avec deux autres professionnels (C. Roos Oberlé et E. Cagnin).
Laurent Miro, producteur de viande bovine en bio, commente le dernier coup porté à l'agriculture bio, avec deux autres professionnels (C. Roos Oberlé et E. Cagnin).

Depuis l’annonce du Ministère de l’Agriculture en octobre de la baisse des subventions à la Bio, la colère gronde au sein de l’ensemble de la filière. La question se pose : existe-t-il une réelle volonté politique de transition en bio ?  La FNAB (Fédération nationale de l’Agriculture Bio) s’insurge et rappelle les mesures indispensables à un véritable soutien à la transition. Prêche-t-elle dans le désert ? Déjà confrontée à des labels ou appellations satellites et à l’inflation, l’agriculture bio encaisse ce nouveau coup et réagit.

Rappel du contexte : Le gouvernement dans son Plan Stratégique National approuvé par la PAC 2023-2027, réduit les aides environnementales. Elles passent de 110€ à 92€ par hectare et par an. Pourquoi ? L’enveloppe a été vidée en raison de la pléthore d’agriculteurs -bio et non bio- qui ont demandé à bénéficier de l’écorégime PAC, accessible à tout exploitant sur plusieurs volets : pratiques agroécologiques, infrastructures favorables à la biodiversité, conversion AB mais aussi et c’est là aussi que le bât blesse, en Haute Valeur Environnementale et certification privée. Et c’est l’agriculture bio, la seule certifiée et contrôlée, qui en pâtit.

Au micro de la Petite République, trois intervenants livrent leurs réactions.

Christophe Roos Oberlé, producteur de fromages bio à Escanecrabe, GAEC des Hounts, administrateur de Bio-Ariège Garonne.

« Ce coup bas est un de plus porté à l’agriculture bio depuis plusieurs années, tous azimuts. En ce moment on assiste à une recrudescence du bio bashing, c’est-à-dire l’accumulation d’accusations non fondées la dénigrant. Or, c’est la seule agriculture officiellement et drastiquement contrôlée par des organismes indépendants.

S’ajoute à l’arsenal un nouveau label pondu par le Gouvernement, la HEV, haute valeur environnementale, titre ronflant qui vise à détourner l’attention du consommateur du vrai bio. Les politiques qui prennent les décisions pour les soutiens financiers sont influencés par les lobbys agrochimiques. L’agro-environnement ça veut dire quoi actuellement ? On marche sur la tête quand on voit par exemple des gens comme Bolloré nous demander de planter des haies, pour nous racheter du carbone, afin que leur bilan soit moins négatif ! Je le rappelle, et il faut que les consommateurs le sachent bien, c’est l’agriculture bio elle seule, même si elle n’est pas parfaite, qui est le gage avéré et certifié de pratiques bénéfiques pour la santé humaine et l’environnement. Et elle est pénalisée encore une fois ! »

Laurent Miro, éleveur de bovins viande en bio à Montmaurin, membre d’Europe Écologie Les Verts :

« Ce rétropédalage qui nuit à l’agriculture bio est dû en partie, à mon sens, à l’influence de l’agrochimie qui ne veut en aucun cas perdre la main sur la production et qui représente tout un pan de l’économie. Il y a de la part des politiques une dichotomie malhonnête entre leur discours, qui prône le travail sur la protection de l’environnement, de l’eau etc., et leurs actes qui sapent la seule agriculture qui œuvre dans ce sens. Si la prime est laissée à 110€ l’hectare par an uniquement aux agriculteurs en bio, vous verrez que la transition écologique se fera. Bien que les paysans eux-mêmes -et non les partis écologistes- aient compris que la bio est la solution de remplacement, il faut effectivement subventionner pour davantage inciter à la conversion. Et là ce ne serait plus 10 à 15% de la surface agricole de notre Région qui seraient en bio mais beaucoup plus. Or à l’inverse, c’est un coup de frein dévastateur qui vient d’être asséné. Malgré le dépit face à une situation qui s’envenime et quelques retours au conventionnel malheureusement, on persévère quand même car être agriculteur c’est faire du travail à long terme pour nos enfants, pour l’avenir, pour la planète. »

Emmanuel Cagnin, polyculteur-éleveur laitier en bio à Blajan, membre de l’ACVA du Boulonnais :

« Depuis deux ans la consommation des produits bio est moindre, en raison de la baisse du pouvoir d’achat et des pseudo-labels. A grand renfort de communication, un plan d’urgence a été mis en place par le Gouvernement en septembre mais très peu ont obtenu de l’aide car les critères sont très restrictifs et il faut quasiment être en faillite ! S’y ajoute deux mois après, cette baisse des dotations de 20%. C’est vraiment du mépris pour notre profession. Faire entrer les non bio et la HVE dans l’écorégime -primes vertes- de la PAC est un véritable parasitage pour la bio, qui doit ainsi partager l’enveloppe. Il y a des exploitations qui reviennent en conventionnel mais on doit persévérer, quoi qu’il en coûte. »

La conviction est profonde, l’agriculture bio a de l’avenir malgré les bâtons dans les roues, 50% des installations agricoles le sont en bio et même si les instances officielles de la profession ont encore peu de poids politique (pas de syndicat ni de lobbying), la force de changement est en marche.

Rappel des propositions de la FNAB pour sauver la transition écologie en agriculture et filière bio :

  • Un éco régime bio à 145€ hectare/an
  • La réaffectation des reliquats des 340 millions d’euros de l’aide conversion bio à la filière biologique (soutien à l’installation, soutien à l’accompagnement technique, soutien à la consommation, soutien à la recherche) ;
  • L’accès aux outils de régulation de marché pour les filières biologiques (financement du stockage, du déclassement, de la réduction volontaire de production).

 

A noter Bio Ariège Garonne propose des formations sur l’agriculture biologique pour aider à la conversion.

https://www.semencespaysannes.org/component/mymaplocations/bio-ariege-garonne.html

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