«Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir?», comme dans le conte de Charles Perrault, les agriculteurs s’impatientent en attendant un secours du gouvernement face aux dangers qui menacent leurs exploitations.
Le 2 novembre, en visite dans une ferme des Pyrénées Atlantiques frappée par la MHE (maladie hémorragique épizootique), le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’était avancé en déclarant: «l’État sera au rendez-vous dans la prise en charge des uns et des autres».
Le 19 décembre à Saint Gaudens, après que le sous-préfet ait reçu une délégation d’agriculteurs ulcérés, l’éleveur de bovins dans le Volvestre, membre de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles de la Haute Garonne, Jérôme Bayle, déclarait «Nous avons fait remonter nos revendications qu’ils connaissent déjà. Nous avons fait remonter aussi notre ras-le-bol. On a parlé des promesses que nous a fait l’État et qu’il ne respecte pas, que ce soit le remboursement des frais vétérinaires et le soutien aux éleveurs. Aujourd’hui on a rien de tout cela, juste des paroles. Nous n’avons reçu aucune aide, ni physique, ni mentale, ni financière. Nous sommes ici aujourd’hui, pour montrer que ça suffit». Les agriculteurs attendaient des réponses claires avant la manifestation régionale du 16 janvier à Toulouse. Sinon, le mécontentement menaçait de déborder et le mouvement de se durcir.
Les réponses attendues ne sont pas venues.
Depuis ce week-end, les tracteurs bloquent l’autoroute A64 entre Tarbes et Saint Gaudens. Le mouvement menace de s’étendre, à l’image des agriculteurs commingeois qui bloquent la route entre Gourdan-Polignan et Bagnères de Luchon, sur le rond-point du Bazert.
«Nous produisons pour faire vivre tout le monde, et nous, nous avons du mal à survivre»
Eric, représentant des jeunes agriculteurs présent sur ce rond-point: «Il y a eu beaucoup de réunions en hauts lieux et avec le ministère de l’agriculture. Nous avons fait part de nos contraintes et de nos demandes. Mais rien ne suit, ce qui provoque une grosse colère. Nous produisons pour faire vivre tout le monde, et nous, nous avons du mal à survivre. Nous n’arrivons plus à nous constituer un salaire, avec toutes les contraintes qui nous sont imposées. Par rapport à la MHE, l’État ne nous donne rien. Il ne veut pas tenir compte des bêtes nées mal formées, des avortements, des taureaux devenus stériles. En définitive, il ne reconnait pas grand-chose. Pour l’instant, il nous dit: on réfléchit. Le mot d’ordre aujourd’hui, c’est de ne rien lâcher. Nous sommes sur ce carrefour depuis vendredi 17h00, pour une durée indéterminée».
Hausse du prix du GNR et prestations compensatoires pour surmonter la crise de la MHE
La tonalité est au diapason dans les propos de Cédric, représentant de la Confédération paysanne: «C’est un mouvement agricole, professionnel, a-politique, a-syndical, sans violence ni dégradations. Nous revendiquons à propos de la hausse du prix du GNR (Gazole Non Routier), une nouvelle taxation pour le monde agricole, et surtout en raison des problèmes de paiement par rapport à la MHE. Des enveloppes sont probablement débloquées au niveau européen et national sans que rien n’arrive sur le terrain. Les trésoreries des agriculteurs sont mises à mal. Nous demandons la redistribution urgente de ces enveloppes qui nous ont été promises, pour le monde agricole et pour les exploitations touchées par la MHE. Ces dernières ont des factures vétérinaires de l’ordre de 20 000 à 30 000 € avec des bêtes malades qui ne sont plus commercialisables, avec des blocages à l’exportation, et beaucoup de contraintes qui ne sont pas prises en compte. La maladie est actuellement en dormance mais quand il a fait très chaud en automne des exploitations ont été fortement impactées. Il existe une possibilité de reprise de la maladie avec le retour du beau temps. Si ça ne bouge pas au niveau national, le mot d’ordre est de maintenir le blocage».
Ce mouvement reçoit un écho positif de la population. Le maire de Gourdan-Polignan, Patrick Saulneron, est venu à la rencontre des agriculteurs qui manifestent sur le rond point du Bazert, dans sa commune, pour apporter tout son soutien, au diapason des inquiétudes des agriculteurs «car ils travaillent beaucoup et ne peuvent pas vivre de leur travail». Tout est résumé.
Article 5 novembre 2023: