La plume de Jean-Claude Auriol, écrivain toulousain né en 1946, a été guidée tout au long de sa carrière par un thème récurrent, les oubliés de l’Histoire, au cours du premier grand conflit mondial du XXème siècle, la guerre de 14-18. Treize ouvrages ont vu le jour, pour soulever un coin du voile sur ceux qui ont traversé loin de la gloire ces moments terribles, les prisonniers de guerre, les civils sous l’occupation Allemande, les femmes. La mission de l’écrivain, les tirer du néant où la mémoire collective les a confinés.
Son nouvel ouvrage, intitulé l’Armée de la Charité, fait revivre les marraines de guerre en 14-18. Non officielles, elles n’ont existé qu’en France. La rencontre épistolaire se faisait par l’intermédiaire de la presse dite « légère », dans laquelle les marraines déposaient leur annonce. C’était plutôt mal vu. A la vérité ces femmes et jeunes filles, souvent seules ou veuves, avaient parfois des visées matrimoniales. Mais elles apportaient dans cet enfer de mitrailles et de sang, un grand réconfort aux Poilus isolés. L’envoi de lettres, colis de victuailles et vêtements, leur étaient un baume. Des associations ont fleuri un peu partout dès 1915, pour soutenir le « marrainat » de guerre.
« A la fin du conflit, relève Jean-Claude Auriol, beaucoup de marraines ont épousé leur filleul. Les marraines, de tous âges et de tous les milieux, comptèrent des célébrités, comme la future doctoresse Françoise Dolto, Mistinguett et bien d’autres. Dans les écoles, sous la tutelle des instituteurs, les fillettes participaient aussi en tricotant des gants, des écharpes, des bonnets pour les Poilus. »
Le rôle des marraines, pour important qu’il fût, était parfois l’objet de railleries, de dessins humoristiques anecdotiques dans la presse. Et même il a suscité des soupçons d’espionnage de la part des autorités militaires, qui pensaient que l’ennemi Allemand profitait de la situation pour soutirer des informations secrètes, en utilisant ce type de correspondance. Malgré tout, elles furent populaires et le mouvement fut réitéré à chaque conflit, encore de nos jours.
Mais ce que l’on doit retenir des Marraines de guerre, ce sont les petits bonheurs qu’elles apportaient de loin dans les tranchées boueuses, à ces soldats broyés par un conflit tragique, une petite lueur d’espoir et d’humanité.
L’armée de la Charité, ou les marraines de guerre 1914-1918, Jean-Claude Auriol.