Amine El Khatmi s’est lancé dans un tour de France des sous préfectures depuis la fondation du mouvement politique Printemps républicain, au mois de mars 2016. Il en a été élu président au mois de juillet 2017. Ce lundi 18 octobre, il a ainsi fait étape à Saint Gaudens où il a pu échanger avec une vingtaine de personnes à la librairie L’Indépendante.
Amine El Khatmi, 34 ans, qui adhéra au parti socialiste en 2003, fut conseiller municipal PS à Avignon entre 2014 et 2020. Il est l’un des co-fondateurs du Printemps républicain qui a émergé sur la scène politique avec la publication en 2016 d’un manifeste qui avait alors recueilli 7000 signatures.
Selon ce manifeste, le Printemps républicain entend lutter contre l’extrême droite, contre l’islamisme politique, contre le racisme et toutes les formes de discriminations. Il entend défendre et promouvoir la laïcité, l’égalité homme femme, l’universalisme républicain, la nation. Ce manifeste a été «signé par des personnalités venant de la gauche (Élisabeth Badinter, Olivier Faure, Marcel Gauchet, Jérôme Guedj, Richard Malka, Fleur Pellerin,…)». Il vise à rassembler de manière élargie une majorité de citoyens autour des valeurs fondamentales du pacte républicain qui repose sur les valeurs de liberté, d’égalité, et de fraternité.
Un «renversement des valeurs»
Amine El Khatmi dénonce des «stratégies politiques» électoralistes comme celles de la France insoumise sensible «aux 600 000 voix dans les quartiers populaires». Il s’élève contre les dérives essentialistes qui génèrent «des fractures très profondes». Il dénonce les «discours relativistes» de certaines figures telles Edwy Plénel qui écrit un article dans Médiapart sur «l’enfance malheureuse des frères Kouachi». Il rappelle cet article de Rokhaya Diallo –dans Médiapart encore- lors du premier attentat contre Charlie Hebdo en 2012 : «ce ne sont que des dégâts matériels» avait-elle écrit mettant en balance les «dessins islamophobes» et sous entendant «qu’ils l’ont un peu cherché…». Il évoque aussi ce syndicat d’enseignants selon lequel Samuel Paty n’aurait pas dû provoquer les élèves… Amine El Khatmi s’insurge : «si le bourreau est un racisé, on demande à ne pas faire attention à la victime ou on victimise le bourreau ! Il ne doit pas y avoir de degré d’indignation en fonction de l’auteur de l’agression».
Amine El Khatmi a multiplié les exemples de ce qu’il considère comme des dérives, notamment celles qui ont tendance à réduire la liberté d’expression. Ainsi, à l’université de Lille, la Ligue des droits de l’homme et le MRAP ont demandé la censure de la lecture d’une lettre de Charb –assassiné lors de l’attentat contre Charlie Hebdo- au nom du risque de trouble à l’ordre public; à l’université Paris VIII, l’UNEF et Sud Solidaires ont appelé à manifester contre le même texte considéré islamophobe et raciste par ces organisations syndicales étudiantes…
Il s’élève contre les associations féministes qui se proclament en faveur de l’écriture inclusive, qui dénoncent les concours sexistes (comme celui de Miss France), mais sont étrangement absentes auprès de Mila, cette collégienne menacée de mort et privée de vie sociale depuis qu’elle a tenu des propos virulents contre l’islam.
Amine El Khatmi discerne un renversement des valeurs au sein des composantes de la classe politique, dans les combats historiques des uns et des autres : «il y a 15 ans, Christine Boutin faisait des procès anti-Charlie», au grand dam de la gauche «qui disait : arrêtez de nous emmerder avec ça !». Aujourd’hui, c’est «Xavier Bertrand dans les Hauts de France qui est venu en aide à Charlie Hebdo en s’opposant à toute censure (…) et ce sont des gens de gauche qui se disent universalistes qui sont allés manifester le 9 novembre 2019 à l’appel du CCIF avec le père de la fille qui a accusé Samuel Paty».
Le discours indigné et ferme d’Amine El Khatmi au nom du Printemps républicain
Les convictions d’Amine El Khatmi peuvent d’ailleurs le rendre incandescent quand l’indignation l’emporte sur l’équanimité. Ce lundi soir d’octobre, il était tiraillé entre les échanges avec les personnes présentes autour de lui dans la librairie saint gaudinoise et les remous générés par certaines de ses récentes déclarations sur les ondes concernant un contradicteur qu’il avait crédité «d’un destin de laquais», représentant une «gauche qui cire les babouches des bigots».
Le Printemps républicain lancé à gauche, tient avec Amine El Khatmi un discours ferme sur les valeurs. Il veut rassembler en privilégiant une distinction opposant les républicains aux identitaires et communautaristes, en lieu et place du clivage gauche-droite rendu obsolète par les errements des uns et des autres dans chaque camp. D’ailleurs, des personnalités aussi différentes que Jean-Pierre Chevènement et Valérie Pecresse, Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, se sont exprimées dans des réunions publiques organisées par le mouvement. Les propos d’Amine El Khatmi semblent une émanation de l’article premier de la Constitution : «La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale». Le dernier livre d’Amine El Khatmi en est une illustration.
Un livre aux 7 chapitres et 77 propositions
Le dernier livre d’Amine El Khatmi, du nom du mouvement qu’il préside, «Printemps Républicain», est un opuscule en 7 chapitres, avec des propositions pour chacun des 7 domaines abordés. Le terme «La République» est constitutif de chacun des titres des 7 chapitres qui réunissent 77 propositions, certaines innovantes, d’autres qui le sont aussi (ou pas) mais dont le volontarisme généreux n’évite pas l’écueil d’un coût non chiffré…
Des propositions innovantes
«La République qui protège» : limitation à 45% des logements sociaux sur une même commune; interdiction d’attribution d’un logement social à des étrangers dans des quartiers où la proportion d’étrangers dépasse les 25%; instauration d’une mise sous tutelle par l’État dans les territoires perdus de la République,…
«La République qui intègre» : conditionnement de certaines aides sociales pour les immigrés récemment naturalisés à une présence à des cours de français sur les principes républicains; mise en relation des naturalisés volontaires avec un tuteur servant de soutien pendant les premières années,…
«La République qui émancipe» : intégration de 25% d’enseignements artistiques et culturels à l’ensemble des programmes de l’Éducation nationale,…
«La République qui soigne» : délocalisation partielle des universités de médecine dans des communes ayant un centre hospitalier et ne dépassant pas 100 000 habitants; instauration d’une obligation pour chaque médecin de pratiquer dans une zone sous dotée de la région où il est installé,…
«La République sociale» : création d’un contrat de co-employeur pour harmoniser les salaires et les droits des travailleurs des services sous-traitant avec ceux des entreprises donneuses d’ordre,…
«La République citoyenne» : fusion des conseils départementaux, des communautés de communes, des agglomérations, des communautés urbaines et des métropoles en une seule collectivité,…
«La République écologique» : un mix énergétique où le nucléaire a toute sa place; les agriculteurs deuxième atout de l’environnement,…
Des propositions qui ont un coût non chiffré…
Amine El Khatmi avance aussi d’autres propositions qui ont un coût élevé, non chiffré : augmentation du budget de la justice et du nombre de ses agents; dédoublement des classes jusqu’au bac; revalorisation du salaire des enseignants de 15 % à 20 % et doublement du salaire des enseignants dans les établissements en Réseau d’Éducation Prioritaire; généralisation des internats dans les collèges; augmentation de 20% de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation personnalisée d’autonomie; mise en place d’une politique des métiers de santé avec une rémunération de base attractive, une meilleure évolution des carrières et des salaires…
Toutes ces propositions n’ont pas pu être évoquées lors de son passage à Saint Gaudens où Amine El Khatmi n’a pas eu assez de temps pour parler de son livre, bien que cela semble avoir été son objectif premier.
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Parmi les nombreuses propositions qui méritent un légitime approfondissement, la plus féconde, pour la crédibilité de la vie politique et pour la vitalité de la vie démocratique, pourrait bien être celle qui, étrangement, n’est pas expressément rappelée dans le résumé final du livre. Le lecteur la découvre à la page 102: «toute proposition de loi devra désormais être précédée d’une étude d’impact». Une idée qui devrait s’appliquer à fortiori à tous les programmes des candidats aux élections (avec l’adjonction d’un échéancier des réalisations dans le temps…) : impact financier, économique, social et écologique pour crédibiliser les projets, optimiser leur faisabilité, pour aussi regagner la confiance des citoyens et ramener les abstentionnistes aux urnes. Les séduisantes (et courageuses) propositions d’Amine El Khatmi devront être accompagnées des nécessaires modes de financements pertinents et d’un chiffrage réaliste pour emporter l’adhésion, et éviter aux pages de son livre un destin de feuilles mortes.