La canicule qui a sévi ces dernières semaines impacte le monde agricole, elle est le point émergeant d’une sécheresse qui dure depuis le début de l’année. Michel Desrochettes, secrétaire général de la Confédération Paysanne de la Haute-Garonne, exploitant en grandes cultures dans le Lauragais, au nord de Toulouse, exprime ses inquiétudes et évoque les solutions possibles.
« Les cultures d’hiver ont été récoltées avec un mois d’avance et les rendements sont de 20 à 50% plus bas que la normale. Quelques forts orages au mois d’avril n’ont pas suffi. Le mois de mai, d’habitude pluvieux, est resté sec. Et juin fut caniculaire déjà. Or c’est le moment où les plantes croissent et ont besoin d’eau. »
L’eau, une problématique cruciale
En Haute-Garonne, 10% des surfaces cultivées sont irriguées. Au vu de la situation hydrologique préoccupante du département (moins en Comminges), la Préfecture a décidé de restreindre les prélèvements sur de petits cours d’eau « non réalimentés et non instrumentés », avec interdiction totale à partir du 16 juillet. Le Tescou est concerné. Quant aux cours d’eau connectés au canal de la Neste et canaux dérivés, dont la Save, la Gimone, la Gesse et la Seygouade font partie, ils sont en vigilance et leurs usagers sont seulement incités à économiser l’eau.
« En ce qui concerne le stockage de l’eau en hiver, reprend Michel Desrochettes, il est nécessaire. Mais cette eau devrait utilisée pour des cultures à forte valeur ajoutée, semences, fruitiers, etc. De plus, au lieu de grands projets comme des barrages, les micro stockages seraient préférables, dans une optique de décentralisation. Mais l’eau est un enjeu planétaire et s’il n’y a pas de régulation globale, on ne voit pas comment on pourrait le faire en France. »
« Le point de non-retour au niveau climatique est atteint, constate Michel Desrochettes. Nous tirons la sonnette d’alarme depuis des décennies. On peut agir par nos techniques culturales : améliorer le taux de matière organique du sol contribue à augmenter la capacité du sol à retenir l’eau. Jusqu’à 20% de plus, ce n’est pas négligeable. Les haies sont primordiales, elles régulent la température, l’humidité, protègent des vents, de l’érosion, du ruissellement. »
La résilience en agriculture
L’ensemble de ces pratiques participe à la résilience des agrosystèmes. Ils deviennent capables de s’adapter aux perturbations ou de revenir à un régime routinier face à un milieu changeant. « Nous avons beaucoup d’exemples d’agriculteurs qui appliquent ces méthodes et qui s’en sortent ainsi bien mieux. Au niveau des instances politiques et professionnelles, les problèmes n’ont pas été pris en compte depuis trente ans. Il y a certes une évolution mais trop lente à mon gré. »
La diversification des productions est un autre levier, assurant une certaine sécurité financière. « En résumé, ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, conclut Michel Desrochettes. Dans mon cas, outre les céréales, j’ai une activité autour des chevaux. La baisse du chiffre d’affaires des céréales est ainsi en partie compensée. »
La Confédération Paysanne affirme que des pratiques respectueuses de l’environnement peuvent contribuer à refroidir la planète. Le monde agricole en constante évolution trouvera-t-il dans le changement de paradigme la réponse aux grands enjeux de demain ?