Le tribunal correctionnel de Saint Gaudens a eu à traiter ce jeudi 27 octobre trois infractions pénales concernant deux types d’affaires bien distincts, un «homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur» et une «détention de tabac manufacturé sans document justificatif régulier : fait réputé importation en contrebande ».
Derrière les qualifications juridiques spécifiques à ces situations, dans un langage plus commun et au risque de paraître excessivement simpliste compte tenu de la complexité de la chose à juger, il faut comprendre accident de la route mortel d’une part et trafic de cigarettes en contrebande d’autre part.
Un vieux monsieur de 87 ans coupable d’un accident routier mortel
C’est un vieux monsieur de 88 ans aujourd’hui, marchant difficilement avec une canne, qui s’est avancé à la barre du tribunal pour répondre du motif d’homicide involontaire. Le président l’a invité à s’assoir et son avocat lui a obligeamment présenté une chaise.
Les faits remontent au mois de juin 2021. Le prévenu se rendait chez son médecin au volant de sa voiture, roulant doucement si l’on en croit ses dires, «pas vite, en seconde» a-t-il précisé.
Une dame de 93 ans mortellement percutée
Il a percuté mortellement une femme âgée de 93 ans qui traversait sur un passage clouté. Lors de l’enquête, le prévenu avait déclaré ne pas avoir vu la vieille dame, «aveuglé par l’ombre des arbres, il me semble qu’elle était au bord de la chaussée». En fait, les constations ont fait apparaître un point de choc coté conducteur sur le pare-choc, induisant que l’accidentée était déjà bien engagée sur le passage piéton. La procureure l’a souligné dans son réquisitoire.
Devant ses juges ce jeudi 27 octobre, le prévenu avait du mal à entendre et ne comprenait pas toutes les questions du président qui devait quelquefois les lui répéter. Le président a fini par lui demander «vous reconnaissez que vous êtes à l’origine du décès de cette dame ?» ; «oui» a simplement et lapidairement répondu le vieil homme.
Un prévenu reconnu coupable d’inattention au moment des faits
La procureure a rappelé que le prévenu était «semble-t-il apte à la conduite au moment des faits». Elle a demandé une «peine symbolique pour une personne à la fin de sa vie» et a requis «six mois d’emprisonnement assortis d’un sursis simple, l’annulation du permis de conduire» du quasi nonagénaire avec «l’interdiction d’en solliciter un nouveau pendant 5 ans. Il n’a plus à prendre le volant, mais c’est déjà acté dans les faits» a-t-elle conclu. En effet, l’intéressé désormais en maison de retraite a déjà vendu ses deux véhicules.
Le prévenu a écouté, assis, la main sur le pommeau de sa canne plantée à coté de lui, les yeux grands ouverts, le regard fixe et indéfinissable de celui qui se concentre peut-être, pour mieux entendre et comprendre les propos du procureur, comme ceux de son avocat qui l’a dit, avec précaution, «un peu sénescent».
Le verdict du tribunal a été conforme aux réquisitions du parquet, et l’a condamné aussi à payer 800 € à la partie civile, le fils de la victime, à titre d’indemnité pour les frais de procédure. Le président a pris le temps d’expliciter soigneusement au prévenu le verdict qui l’a reconnu coupable des faits reprochés.
Deux srilankais pris en flagrant délit de transport illégal de cigarettes
Deux autres prévenus étaient présents pour répondre du fait de contrebande de cigarettes. Deux srilankais, 39 ans tous les deux, demeurant en région parisienne, l’un à Aubervilliers (Seine Saint Denis), l’autre à Franconville (Val d’Oise). Ils ont affirmé ne pas se connaître.
Tous deux en provenance d’Espagne et d’Andorre, l’un a été arrêté à Cierp Gaud en mai 2022 après avoir fait vivement demi-tour à la vue des douaniers, l’autre s’est fait prendre à Barbazan en juillet 2022 alors qu’il n’avait pas été prévenu de la présence des forces de l’ordre par la voiture de complices qui lui ouvrait la route…
Cinq cents cartouches de cigarettes dans chacune des voitures contrôlées
Tous deux avaient quelques 500 cartouches de cigarettes dans leur automobile. L’un avait déjà été contrôlé pour les mêmes faits en 2018 avec 300 cartouches : il a reconnu savoir qu’il se livrait à une activité interdite et a répété avec insistance le regretter : «je trouve que c’est malheureux, j’ai compris, j’ai fait une erreur, je ne recommencerai pas». L’autre, qui a prétendu avoir voulu rendre service, a dit savoir qu’il y avait des cartouches dans la voiture, mais il a déclaré ignorer qu’il y en avait autant… Les commanditaires rencontrés en région parisienne et mal connus par les deux prévenus avaient promis 1000 € à l’un, 700 € à l’autre, somme qu’aucun des deux n’aurait perçue.
La représentante des services douaniers : «une infraction bien constituée»
Les deux prévenus ont été jugés séparément pour deux affaires différentes, et pour chacun d’eux la représentante de l’administration douanière a fait un constat clinique : «infraction bien constituée (…), le caractère commercial ne fait aucun doute (…), pas de justificatif au moment du contrôle (…), infraction qualifiée d’importation de contrebande de cigarettes (…), responsables pour détenir la marchandise et dans l’impossibilité de prouver leur bonne foi». La douanière a demandé le prix de la marchandise découverte, soit 52 020 € pour l’un et 51 000 € pour l’autre, et «la confiscation des échantillons saisis toujours sous la garde des agents des douanes».
Prison avec sursis, amende délictuelle et paiement de la valeur du chargement de cigarettes
La procureure a donné suite aux requêtes de l’administration douanière. Elle a requis en sus pour le récidiviste «8 mois de prison totalement assortis d’un sursis probatoire de deux ans, l’obligation d’avoir une activité professionnelle légale, et l’interdiction de paraître dans tous les départements limitrophes du territoire espagnol», et pour l’autre une peine de «l’ordre de l’avertissement : 8 mois totalement assortis d’un sursis simple (…), j’espère qu’il ne recommencera plus».
Le tribunal a condamné les deux prévenus à la même peine : 8 mois de prison assortis d’un sursis simple, 1000 € d’amende délictuelle et une taxe de 127 € à l’intention du Trésor Public, confiscation du stock de cigarettes saisies par les douanes, plus le paiement de la somme équivalent à la valeur des cigarettes trouvées dans le véhicule de chacun d’eux, soit 52 020 € pour l’un et 51 000 € pour l’autre.
Des individus socialement fragiles et manipulés
L’avocat avait souligné la malignité des commanditaires qui «s’en prennent à des personnes en état de fragilité (l’un bénéficie du statut de réfugié, tous deux sont pères de famille nombreuse – 5 et 4 enfants -), isolés socialement (l’un est au chômage, l’autre bénéficie ,du RSA) et en difficulté financière (l’un est lourdement endetté)». Il a allégué pour le récidiviste (qui a multiplié les affirmations de regrets) «je pense qu’il va arrêter», et soutenu pour l’autre «la leçon est reçue, il ne recommencera pas». Ainsi soit-il…