Magalie est née à Saint-Gaudens en 1977, d’un papa instituteur et d’une maman sage-femme. Dès l’adolescence elle se découvre un goût très sûr pour la musique. « Je me souviens de mon père qui jouait de la musique à la maison, et sur une étagère dormait un vieux violon. Enfant j’ai commencé par le piano puis j’ai voulu apprendre le violon. » Et c’est alors que le déclic se produit. Lorsqu’elle eut son violon entre les mains, elle se rendit compte qu’elle s’intéressait davantage à l’instrument lui-même qu’à la musique qu’elle en tirait. L’objet d’art la fascinait…
Une passion précoce
« En fin de troisième, se souvient Magalie, comme les études ne m’attiraient pas, il a fallu choisir une orientation professionnelle. J’étais une enfant très manuelle, je bricolais et démontais mes jouets pour comprendre comment ils étaient faits, et de plus j’ai toujours eu l’oreille musicale… Ma mère, en visitant un jour un atelier de lutherie, s’est aussitôt dit que c’était ce qu’il me fallait. Effectivement elle ne s’était pas trompée, j’ai opté pour cette voie avec bonheur. »
Elle intègre à 16 ans la prestigieuse école nationale de Mirecourt, dans les Vosges, où elle suit pendant trois ans une formation aux métiers de la lutherie. Elle obtient un CAP et un brevet de technicien et deux ans plus tard un diplôme des Métiers d’art. Depuis elle s’adonne à sa passion, la fabrication d’instruments à cordes pincées et frottées, violons, violoncelles, altos et autres. Dans ce métier plutôt masculin, sa féminité apporte un supplément d’âme, et pas seulement dans la caisse de résonance de ses violons… Ils sont à peine quelques centaines en France à exercer cet artisanat de haute précision, né au XVème siècle, et qui tire son nom du luth, ancêtre du violon.
« L’entrée dans la vie active à 21 ans fut assez brutale pour moi, reprend Magalie en souriant, et très vite j’ai eu le mal du pays. Après un court séjour chez un luthier à Metz, je me suis installée en région parisienne, d’où il était facile de revenir dans le Comminges plus souvent. » Embauchée chez Aliénor, grande fabrique parisienne, elle travaille ensuite auprès de Philippe Mitterrand, à Bourg-la-Reine, pendant cinq ans.
« Ces trois expériences professionnelles m’ont permis de faire mes armes, ça m’a formée sur des pôles très différents, de façon complémentaire. J’ai beaucoup appris sur la vente, la réparation, l’entretien, la restauration, les archets, les accessoires. J’intervenais sur tous les segments du métier, du parc locatif à la restauration, du tout-venant aux instruments de haut niveau. Ces savoir-faire m’ont permis de me sentir prête à voler de mes propres ailes. »
Les clés de la réussite
C’est dans les Hautes-Pyrénées qu’elle s’installe en 2003, pour reprendre la clientèle d’un de ses collègues, qui avait ouvert une annexe à Tarbes et qui souhaitait arrêter son activité.
Une idée originale va germer pour développer l’affaire, l’atelier itinérant. « A bord d’un camion équipé, relate Magalie Calpena, je faisais des tournées pour aller à la rencontre des clients. J’effectuais sur place les petites réparations et entretien, graissage de chevilles, changement de cordes, etc. Pour les interventions importantes, les musiciens me laissaient leur instrument que je ramenais à l’atelier. Avant de leur rendre leur instrument, je leur en prêtais un le temps de la réparation. J’étais la seule à avoir initié ce concept dans la région. »
En plus de l’atelier de Tarbes, Magalie Calpena exerçait son métier chez elle, à son domicile de Pointis-de-Rivière près de Saint-Gaudens, où elle vit avec son mari Vincent et ses deux enfants. Une fois par semaine elle desservait à bord du camion une boucle de 250 kilomètres, partant de Tarbes, via Lourdes, Bagnères, Saint-Gaudens, Saint-Girons, Auch et Mirande. Cette tournée devait dégager du temps afin de privilégier la fabrication, mais elle obtint l’effet inverse et la clientèle augmenta de 30%. Ne souhaitant pas embaucher et se retrouver surchargée d’administratif, la luthière décida de revendre son entreprise, pour se consacrer uniquement à la fabrication chez elle à Pointis, depuis plus de neuf ans maintenant.
« Mes clients actuels sont des musiciens qui veulent se faire plaisir avec un instrument haut de gamme, qui leur correspond. D’autres ont une certaine éthique et souhaite faire travailler l’artisan local. Les domaines musicaux sont variés, classique, jazz manouche, yiddish, … »
La notoriété de Magalie Calpena tient en premier lieu à la qualité de ses créations, à son savoir-faire, au soin qu’elle apporte à chacun de ses instruments, son exigence, son sens de l’esthétique, son talent. Bien sûr tout n’a pas été rose tout le temps et les débuts sont souvent difficiles. Pour faire ce métier, convient Magali, il faut de la persévérance, car rien n’est jamais garanti, on se remet tous les jours en question. Au fur et à mesure de courage et de patience, elle a construit sa réputation et sa place au soleil.
Les mains et l’esprit
Dans son atelier, parmi les rabots, les varlopes, les vernis, les machines-outils, la sciure blonde, les senteurs du bois, penchée sur son établi, la luthière assemble minutieusement les quelque 80 pièces qui composent un violon. Elle exécute les gestes ancestraux qui font de ce métier un art véritable, alliant la maîtrise manuelle, la sûreté de l’œil et les compétences d’un parfait mélomane.
« Ce qui m’enchante, confie Magalie, c’est de mettre ma patte sur une création, ma signature en quelque sorte, d’en faire un objet original, dans le respect de la tradition bien sûr. Un instrument qui dit d’emblée c’est un Calpena. Le voir naître de mes mains et vivre ensuite pour le musicien qui l’a commandé. Cette naissance n’est pas une aventure personnelle, elle se vit à deux. Le client a ses désirs, ses choix, ses exigences, on en discute, il assiste aux étapes, aux évolutions. Pendant les semaines nécessaires à la fabrication du violon ou du violoncelle, des liens se tissent entre nous, une relation de confiance s’établit. Le client pour moi n’est pas qu’un client, cela va bien au-delà. »
En effet le musicien garde le lien avec la luthière pendant longtemps, pour l’entretien et les menues réparations. C’est aussi un ambassadeur du savoir-faire de Magalie dans sa sphère culturelle. « Le musicien qui « rencontre » son instrument chez moi ou qui me demande de le créer, c’est à chaque fois un moment intense. » Un instrument Magali Calpena entre dans une fourchette variable de 6 000 € à 20 000€.
La luthière a des fournisseurs de bois spécialisés, en France, mais aussi à l’étranger notamment pour l’érable et l’épicéa. Ces bois, de haute qualité ont un cahier des charges strict et correspondent à des exigences de sonorités classiques. « Pour certains instruments électro-acoustiques, précise-t-elle, j’ai une démarche plus expérimentale. J’ai récemment utilisé du noyer provenant de chez mon voisin, c’est un test prometteur. » Les luthiers comme les facteurs de guitare ont depuis longtemps une approche environnementale, dans le choix de leurs matières premières et dans leurs pratiques.
Magalie Calpena fourmille de projets, elle prépare des expositions, sera présente au festival manouche de Seissan, puis à Pavie, participera au festival Django Reinhart à Paris, au prochain concours international de violon Marie Cantagrill au Mas d’Azil, sans compter les stages dans son atelier. Un beau programme pour une luthière heureuse dans son métier.
– http://www.magalielutherie.com/– 06 33 43 46 62