Le feu de la colère allumé en début d’année en raison de la situation critique du monde agricole couvait toujours, mal éteint malgré les mesures -jugées insuffisantes- proposées par le gouvernement pour apaiser les tensions.
Les Ultras de l’A64, menés par Jérôme Bayle, Bertrand Loup et Joël Tournier, fer de lance de la contestation en France, soutenus par leurs homologues espagnols et européens, ne supportent plus, comme l’ensemble de la profession agricole, de n’être pas davantage entendus. « Nous voulons vivre de notre métier, et l’on n’y arrive pas, l’agriculture française se meurt. » L’exaspération renaît, le désespoir pousse à l’action, les Ultras à nouveau prêts à tout, multiplient les rencontres et les interventions au plus haut niveau pour débloquer la situation.
La mobilisation au niveau européen
Bertrand Loup revient sur les dernières semaines en surchauffe : « Un courrier a été envoyé aux présidents des partis politiques français, et nous avons reçu de nombreuses réponses. Jérôme Bayle a obtenu des rendez-vous avec les responsables, pour pouvoir faire remonter le résultat de ces entretiens. L’urgence est d’alerter sur la catastrophe qui va frapper notre profession si l’accord de libre-échange Mercosur est ratifié. »
Ce traité qui suscite depuis 1995 objections et résistances, signerait selon les éleveurs l’arrêt de mort de l’agriculture française, torpillée par l’importation de productions (viandes, volailles…) non soumises aux normes environnementales et sanitaires en vigueur en Europe, et en partie exonérées de taxes douanières. « Une concurrence déloyale inacceptable. » A noter que début novembre plus de 200 députés français de tous bords politiques, ont demandé au gouvernement le blocage de l’accord UE-Mercosur, qui trahit, selon eux, les objectifs et ambitions de l’Europe.
Scission du Mercosur, le contournement de la contestation ?
Les Ultras ont été invités il y a 15 jours à assister au Parlement européen de Strasbourg, à une commission sur la situation sanitaire des élevages. En aparté, Bertrand Loup déplore que seuls trois députés français étaient présents… Les Ultras ont ensuite participé à un groupe de travail au cours duquel ils ont fait état de leurs revendications pour sortir du marasme et pouvoir vivre de leur métier. « Le Mercosur fut un point essentiel de la discussion. Chaque pays dispose d’un véto propre, et la France depuis plusieurs années use du sien pour bloquer la ratification du traité. Or pour contourner l’opposition, le Mercosur serait divisé en plusieurs parties distinctes. » Nième épisode d’une série mouvementée, la scission du traité permettrait de séparer le volet industriel du reste.
« L’Allemagne, l’Espagne, la Pologne, le Portugal, reprend Bertrand Loup, soutiennent cette modification. En contrepartie des milliers de tonnes de viandes et de productions agricoles entreront en Europe, à prix bas, sabordant notre profession qui elle, est respectueuse des normes sanitaires et environnementales. Ce sera de plus un vrai problème de santé publique, notamment celle de nos enfants, via la consommation de ces denrées de mauvaise qualité. Le stress est d’autant plus grand qu’il pourrait être entériné à la suite du G20, prévu les 18 et 19 novembre. »
Les Ultras de l’A 64 veillent au grain, ils sont en négociation avec les ministères, les chefs de partis politiques et les députés européens. « Nous avons demandés à ces derniers de s’allier avec d’autres députés pour appuyer notre position. Si l’agro-industrie peut s’en sortir, le modèle agricole familial à taille humaine que l’on défend sera sacrifié.
Nos liaisons agricoles européennes sont actives, et s’il le faut nous relancerons un grand mouvement global de blocage, tracteurs sont prêts. » Le point fondamental qui sous-tend le mouvement actuel, selon Bertrand Loup, c’est de savoir quel modèle agricole on veut pour demain : une agriculture performante, familiale, respectueuse de la santé et de l’environnement, ou bien l’abandon des ressources à de grands groupes déshumanisés ? La question est posée.