Rencontre avec un guide de randonnée népalais Rajkumar Moktan.
C’est dans l’indifférence générale que le Népal se meurt. Le 25 avril 2015, ce petit pays, peuplé de gens authentiques ancrés dans des traditions multi-séculaires, subissait un terrible tremblement de terre. Un bilan catastrophique avec plus de 8000 morts, des sans abris innombrables et des dégâts matériels considérables. Nombre de villages de montagne sont encore isolés et la vie y est devenue impossible. A cette énorme catastrophe se rajoute une grave crise politique qui a pour conséquence la fermeture de la frontière entre l’Inde et le Népal. Un pays sous embargo qui ne peut se relever.
Grace à l’association Himalpyramis et son représentant local Jean Claude Douarche, nous avons pu rencontrer Rajkumar Moktan, 30 ans, guide de randonnée et guide culturel qui vit à Katmandou. Il travaille pour une agence qui accompagne les touristes dans des treks. C’est là qu’il rencontre Maurice Duchenne fondateur de l’association qui aidera sa famille dans le besoin. Quelques temps plus tard ayant appris le français c’est lui qui peut maintenant aider les autres.
Rajkumar, le 25 avril 2015, le Népal subit un très sévère tremblement de terre. Un an après ou-en est-on ?
Consécutivement au tremblement de terre, il y a eu beaucoup d’aide internationale avec de l’argent, des vivres, notamment dans la première semaine. La pression médiatique a cessé et est arrivé la mousson. Les gens qui n’avaient plus de maison ont acheté des matériaux pour faire des abris de première fortune. Mais pendant la mousson on n’a pu rien entreprendre jusqu’à septembre 2015. Le gouvernement népalais a alors lancé un vaste programme de nettoyage et de reconstruction pour les népalais mais aussi pour faire revenir les touristes essentiel à notre économie.
Des voies de communication partiellement détruites ?
Il fallait rétablir les communications entre les villages par nécessité vitale car ici tout se fait à pied hormis l’utilisation des axes principaux. Des villages très isolés qui ne sont devenus accessibles que sur plusieurs heures de marche ou même sur plusieurs jours, tout ayant été emporté dans le tremblement de terre. A l’heure actuelle, tous les villages ne sont pas dégagés et restent isolés. Du coup beaucoup de villageois ont rejoint les vallées et les agglomérations car la vie devenait impossible dans ces villages non encore reliés.
Au delà des maisons détruites et des difficultés de communication, l’économie de base a été très perturbée. L’élevage local a été quasiment stoppé et les touristes ont déserté le pays. La fréquentation des trekkers a beaucoup diminué selon les lieux. Il n’y avait plus de carburant et on ne pouvait se servir des véhicules. C ‘est un problème qui va perdurer dans le temps car il va être très difficile quasi impossible de retrouver à l’identique la situation avant le tremblement. Les travaux sont colossaux et les moyens sont dérisoires par rapport aux enjeux.
Ce manque de moyens est-il si préoccupant ?
Le manque de moyens et les difficultés se retrouvent non seulement dans le monde rural mais aussi dans les villes. La situation est très préoccupante et je peux dire que je suis inquiet pour l’avenir de mon pays. Je vais attendre jusqu’au printemps pour voir si les clients reviennent pour faire des treks. Si tel n’était pas le cas j’envisage même de quitter mon pays moi qui est un profond attachement au Népal. Nombre de Népalais sont d’ailleurs déjà parti à cause de l’avenir sombre qui s’offrait à eux.
Dans les régions qui ont été touchées ou très touchées, les népalais ont perdu leur équilibre de vie qui pourtant était élémentaire voir rudimentaire. Ce peuple joyeux et habitué à vivre avec peu n’est plus en capacité de faire face. Une forme de désespérance s’est installée. C’est en cela que la situation est la plus grave.
Il semble que ce phénomène soit accentué par une situation politique très compliquée ?
Avant le tremblement de terre la situation politique était déjà complexe. De nombreux partis politiques se disputaient le pouvoir. Il n’y avait pas d’intérêt collectif. La démocratie n’est arrivée qu’il y a 65 ans mais une démocratie avec vision népalaise sachant que le Roi avait gardé beaucoup de pouvoir (armée, police ). Nous attendions depuis une constitution pour une vraie démocratie. Une forme de guerre civile a opposé les maoïstes au gouvernement. Cela a fait beaucoup de dégâts. Ces conflits se sont finis en 2006 après un accord politique qui prévoyait la mise en place de la nouvelle constitution.
Un vote en 2008 instaure pour la première fois de vrais élections démocratiques et les élus sortis des urnes devaient rédiger la nouvelle constitution. Les maoïstes ont pris le pouvoir avec un accord gouvernemental avec d’autres partis. Le Roi s’en va avec accord de tous les partis politiques. Tout s’est bien passé pendant 5 ou 6 mois puis vint le temps de l’instabilité gouvernementale et une constitution une nouvelle fois reculée. Nouvelle élection en 2013 les maoïstes deviennent le 3eme parti et arrivé au pouvoir les népali-congress proche de l’Inde . Toujours pas de majorité absolue et une instabilité politique qui perdure. Sur cela arrive le tremblement de terre. La rédaction de la constitution est faite à la hâte et approuvée par 90 % des membres de l’Assemblée constituante, qui fait du Népal une république fédérale et laïque.
Après le vote de la constitution par les représentants souverains népalakis, l’Inde s’oppose à ce texte pour des problèmes ethniques et religieux. Un des articles de la constitution n’étant pas assez favorable à l’ ethnie Madhesi . Des pressions sont exercés à l’extérieur du Népal pour défendre cette ethnie composante des nombreuses autres ethnies du Népal. L’Inde s’ingère dans les affaires du Népal. Le nouveau gouvernement se met en place et aussitôt les Madeshi manifestent et descendent dans la rue. Pour les soutenir, l’Inde bloque la frontière et interdit tout échange économique qui exsangue le Népal. Tous les produits d’importations viennent majoritairement de l’Inde et notamment le pétrole vital pour notre économie. Actuellement la situation est bloquée ce qui augmente l’effet désastreux du tremblement de terre. Les conséquences directes se mesurent par 14 heures de coupure électrique par jour à Katmandou et une pénurie de carburant. Un marché noir s’est mis en place où les prix flambent. Le gasoil se monnaye à 6 euros le litre. La nourriture manque et l’économie tourne au ralenti. On rajoute de la détresse à la détresse.
Les Népalais sont d’une manière générale au bout du rouleau car il n’entrevoit aucun futur. Un futur sans avenir semble la bonne formule. Il y a toutefois une lueur d’espoir qui est la solidarité entre les népalais tout au mois en dehors des castes dirigeantes. La vie est devenue très dure compte tenu de tous ces éléments. Entre les blocages et le tremblement de terre .
Et la reconstruction ?
D’une manière générale, la reconstitution ne peut se mettre en place à cause du blocus. Par exemple l’association Himalpyramis finance la reconstruction d’une école à Shree seti devi à 90 pour cent. Le projet est entièrement ficelé mais il est impossible à mettre en œuvre car les matériaux à cause du blocus ne peuvent être acheminé.
Le Népal risque une véritable crise humanitaire.