Maintenant confinés et non pas conf…, nous voici disponible pour faire tout un tas de choses. Nous avons demandé au conteur Pierre Ricard de vous évader de votre confinement par la lecture de contes à défaut de les entendre. Ah les histoires de nos grands mères ca fait du bien. Allez je vous laisse avec lui. Il etait une fois…
Le tablier de nos grands-mères, était souvent noirs, quelques fois avec des couleurs pas trop voyantes, violettes ou grises et qui formaient des figures géométriques. Celui de ma grand mère était noir, tous ses habits étaient noirs. Et elle portait ce tablier du matin au soir.
Bien sûr sa fonction première était de protéger les habits, on n’était pas dans la consommation à outrance. Mais c’était bien plus que ça le davantal. Il était rattaché à presque toutes les tâches quotidiennes et il était souvent reprisé plusieurs fois.
Le matin, il servait à transporter le petit bois sec que l’on avait éménuqué avec l’achadon coupé très fin pour allumer le feu. Et quand le feu avait du mal à prendre, que la fumée piquait aux yeux, il faisait même office de soufflet pour dissiper le nuage.
Les pommes de terre, pour faire la soupe, c’est lui qui les portait de la réserve à la cuisine
Les légumes du jardin ne pouvaient pas rêver de meilleur moyen de transport pour rejoindre les patates, las trufas, dans la soupière, dins l’ola. Et après avoir épluché les légumes, quand les mains étaient mouillées, avec quoi elle s’essuyait mémé ?
En automne, il y avait des pommes au four pour le dessert, et du verger au four la grand mère n’avait pas besoin de panier pour les porter. Elles étaient bonnes ces pommes quand elles avaient éclaté, coulé et caramélisé dans le plat. Van ésser bonas, an plan cagat, elle disait mémé.
Et à la chandeleur, quand mémé faisait des crêpes, comment croyez-vous qu’elle tenait la queue de la poêle brûlante ? avec un chiffon replié plusieurs fois et le coin du tablier pour envelopper le tout !
C’est comme pour tenir et porter les plats brûlants qui sortaient du four, les doigts étaient bien protégés avec le tablier replié en deux ou quatre plis.
Un genou écorché ? mémé trempait un coin de tablier dans un peu d’eau, s’était le meilleur des remèdes et même quelques fois, il servait à sécher rapidement les yeux embués de larmes
Il arrivait quelques fois, que quelqu’un vienne à l’improviste à la maison ? le tablier servait à nettoyer un coin de table à une allure folle et servait de refuge quand nous étions intimidés par les visiteurs
Quand le temps était froid, pour sortir, la mémé mettait ses mains sous le davantal pour les réchauffer un peu.
Pendant la guerre, quand la grand-tante étendait un tablier sous le hangar, cela signifiait que les allemands n’étaient pas loin. Quand il n’y avait pas de tablier pendu, les résistants savaient que la route était libre pour descendre vers la ville ou venir se ravitailler.
A la maison, il y avait certains jours dans l’année ou dés le matin, on tombait dans un autre monde. Le tablier était blanc. Cela voulait dire que le mauvais temps était arrivé pour le cochon, les oies ou les canards. Mais c’était pour nous, les enfants, synonyme de journée de fête et de rigolades. Ah les fêtes du cochon !!! il y avait les amis qui venaient nous aider. Ça rigolait, ça chantait après les repas avec toujours le se canta à la fin.
La cheffe, c’était Jeanne. C’est elle qui savait. C’est elle sur qui reposait toute la préparation. Elle te poussait de ces brams quand il y avait un problème ou que quelqu’un voulait revoir une recette ou un assaisonnement. Elle avait toujours de bonnes idées, c’était elle qui m’avait dit de prendre l’oeil du cochon mort et de le mettre dans la poche de la veste de quelqu’un. Bien sûr j’avais écouté et compris de suite la leçon, mais courageux, je l’avais mis, la première fois, dans la poche de la veste de mon père qui se demandait qui avait bien pu lui faire cette farce. Plus tard il m’est souvent arrivé de déposer délicatement un oeil glauque dans la poche d’un copain de classe. Je n’ai jamais osé en déposer un dans la poche d’un instituteur. Quelques fois aujourd’hui je le regrette un peu. Et même quand je pense à certains instits, je le regrette beaucoup.
Et puis, le soir, assis sur le tablier et bien blotti contre la grand mère, quel plaisir d’écouter des histoires. Quand le récit était inquiétant, on se serrait un peu plus et quelques fois on s’endormait. Moi, j’aimais bien les sornettes comme on disait : aqui dins aquel camp…
Je ne vous dis pas la quantité de microbes accumulés sur le tablier ! Mais la seule chose que nous pouvions attraper au contact du tablier, c’était de l’amour !
Épilogue maison :
C’est vrai que les choses changent vite maintenant. Mais je vais vous donner une idée. Vous mettez un tablier de devant, la couleur importe peu finalement. Vous prenez quelques oignons que vous faites rissoler dans un faitout, avec des carottes, des pommes de terre, un potimarron, tout cela coupé en petits morceaux. Quand les légumes ont bien rissolés, on mouille avec de l’eau chaude jusqu’à ce qu’ils soient recouverts, et on met à cuire à petit bouillon. Il faut ¼ d’heure de préparation, 1h1/2 de cuisson. Quand c’est cuit, vous mixez le tout en y ajoutant, si vous voulez, un peu de crème fraîche.
Le soir, après avoir dégusté cette soupe, oubliez d’allumer la télé, oubliez de vous mettre devant votre ordinateur, coupez le téléphone portable. Prenez un livre, un livre de conte par exemple et racontez une histoire à vos enfants. Vous verrez que quand vous accrocherez le davantal au porte manteau, vous aurez la bonne impression de ne pas avoir perdu la journée.
Encore un mot : les davantals, les tabliers de devant, sont unisexe et la ceinture est réglable vous savez !!!