Jean Le Cam à la conférence de presse de suite après son arrivée aux Sables d’Olonne, a révélé qu’il avait découvert une importante avarie sur son bateau, en pleine course, dans les mers du Sud. Il a opté pour gérer seul, sans même en parler à son équipe technique…
Pourquoi ?
Petite République.com voulait vous faire découvrir, partager, l’esprit d’un marin hors du commun, le « ROI JEAN » qui nous rappelle l’esprit des Grands, Montagnards.
Yvan Bourgnon nous parle du « Roi Jean »:
Yvan Bourgnon est un skipper franco-suisse, né le 6 juillet 1971 à La Chaux-de-Fonds. Il est le frère cadet de Laurent Bourgnon, avec qui il a remporté la Transat en double Jacques-Vabre 1997.
- « Jean est connu pour ne pas avoir de langue de bois rangée dans sa poche, c’est aussi pour ça que ses conférences de presse d’après course sont toujours aussi attendues. Dire ou ne pas dire et quand le dire : la leçon de Jean sur ses sérieuses raisons de ne pas dévoiler ses problèmes tant qu’il n’avait pas franchi la ligne.
Revenons sur les circonstances du naufrage de Kevin Escoffier. Jean Le Cam passe des heures interminables dans une mer démontée à naviguer forcément par moments face à la mer. Dans un cas pareil, tu penses uniquement d’abord à sauver le gars plutôt que de protéger à tout prix ton propre bateau… Quelque temps après, Jean découvre que son bateau se délamine à l’avant. Aïe !
- On n’aura évidemment jamais la preuve du lien entre le naufrage et ses soucis de délaminage de la coque et c’est aussi pour cela que Jean a préféré ne rien dire. Ça lui ressemble bien, il préfère rester humble, responsable et maître de son destin. C’est tout d’abord et avant tout pour ne pas faire culpabiliser Kevin Escoffier et son équipe PRB. Rappelons que Vincent Riou alors à l’époque skipper du bateau PRB avait sauvé Jean Le Cam à proximité du Cap Horn lors du Vendée Globe 2008/09 et que dans la manœuvre, le bateau de Vincent à subi une avarie de gréement l’empêchant de poursuivre son Vendée Globe.
Ça ! Jean ne l’a pas oublié et il est même plus que fier d’avoir l’opportunité de renvoyer la balle, c’est quelque part un heureux hasard !! Par respect pour cette équipe de PRB, Jean aurait détesté qu’une polémique puisse éclater autour de ce fait.
Ensuite Jean aurait subi une pression supplémentaire venant de la terre, on lui aurait certainement dit que ce n’était pas raisonnable de continuer un tour du Monde avec un bateau affaibli comme cela !! Et là aussi les critiques auraient été bon train !! Quel bon choix que de ne rien dire et d’assumer seul sa décision de poursuivre la course. On aurait pu dire qu’il était suicidaire, etc…. Mais non, bien au contraire, il n’y a que lui pour évaluer jusqu’où il peut aller et quel rythme il peut infliger à son « Hubert ».
- Ce qui a dû être très difficile à vivre pour Jean c’est de réussir sa réparation en prenant des morceaux de ballasts le condamnant à ne plus pouvoir les utiliser jusqu’à l’arrivée et Dieu sait si les ballasts sont primordiaux sur un bateau à dérives par rapport à un foiler. Puis ensuite, voir sa réparation ne pas tenir et surtout manquer cruellement de résine afin de consolider son œuvre. C’est à ce moment-là qu’il a dû fortement penser à l’abandon mais connaissant la teigne qu’il est, il a dû se dire : « tant que ça tient comme ça, j’y vais ! Et si cela se dégrade j’improviserai », puis, il remonte vers le nord dans l’Atlantique. Et le bon marin qu’il est, arrive à se dire : « mais attend… si je me retrouve au pire dans mon radeau de survie et que l’eau de mer s’est réchauffée et bien j’ai une bonne chance de m’en sortir, donc go !! »
Quel autre marin aurait pensé comme ça sur ce Vendée Globe ??
Il a dû quand même sérieusement serrer les fesses quand l’eau a commencé à refroidir au nord des Açores, surtout quand on sait qu’il y a de fortes chances de finir le Vendée Globe au mois de janvier dans une forte dépression comme celle qui arrive pour ce week-end. C’était donc une source de stress énorme pour lui cette fin de course !! Mais en mettant du charbon, il est arrivé aux Sables juste avant le gros temps !
Imaginez que vous vivez des semaines, presque des mois sur une embarcation qui peut se déliter sous vos pieds et surtout couler en quelques minutes… À la différence de Kevin qui lui ne s’attendait pas à la soudaineté de son naufrage, Jean savait que c’était possible à chaque instant. Finalement les quelques jours avec peu de vent dans l’Atlantique Sud ont dû lui être une vraie source de soulagement, de régénération là où habituellement les marins n’aiment pas manquer de vent ! Il faut plus qu’un mental, il faut un sang-froid inégalable, une maîtrise incroyable, un goût pour l’aventure et la survie inébranlable. Il faut aussi prendre en compte le fait d’être en solitaire et de ne pas avoir la responsabilité d’un camarade de jeu à bord, les décisions auraient été très différentes s’il avait eu cette charge sur le dos.
- Maintenant, quand on voit le Roi Jean finir 10h derrière Yannick, avec une côte cassée, on ne peut que constater qu’il est encore et toujours dans les tout meilleurs. Et quand, à 61 ans tu dis : « Je n’en sais rien si je serai là, au prochain Vendée Globe… » c’est à n’en pas douter qu’il y a déjà une partie de lui-même qui se projette dans le Vendée Globe 2024. Ce qu’ il rêverait si un sponsor lui en donne l’opportunité, c’est de construire un bateau à son image : simple, épuré, robuste, rapide et sans foils, pour nous faire une démonstration magistrale !! »
» On a besoin de toi Jean ! Le Vendée Globe a besoin de son Roi, reviens vite ! «